Nous vivons dans un monde où nous sommes noyés sous les chiffres et où nous oublions de nous poser une question pourtant essentielle : à quoi ça sert ?
Pourquoi faudrait-il supprimer 150.000 emplois de fonctionnaires ? Qu’est ce qui fait que l’on rebatte les oreilles des citoyens, depuis 40 ans au moins, de plans quantifiés de suppressions d’emplois de fonctionnaires ?
Pourquoi nous invite-t-on à regarder un mode opératoire (supprimer des emplois dans un budget) plutôt qu’une finalité, un sens ? Socrate dirait que c’est parce que les hommes et femmes politiques sont des sophistes et pas des philosophes !
Prenons un exemple d’actualité
Il est à la croisée des chemins entre la Cour des comptes, le Sénat et la ministre de la transformation et de la fonction publique.
Une commission d’enquête sénatoriale mène actuellement des auditions sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. La Cour des comptes avait rendu, en 2015, un rapport sur le sujet. Des citoyens et politiques nombreux se sont émus et n’ont pas compris pourquoi des grands cabinets de conseil ont été recrutés, cher, pour conseiller dans la gestion de la crise sanitaire du covid19.
Lors de son audition, la ministre de la fonction et de la transformation publiques s’est engagée à « au moins 15 % de baisse » du volume de dépenses en conseil extérieur pour l’année 2022, sur les sujets de transformation et de stratégie (hors dépenses liées à l’informatique).
Au cas précis, quelle question se poser pour bien orienter la réflexion ? Est-ce : « De quel pourcentage diminuer les dépenses ? » Ou est-ce : « A quoi sert d’être conseillé quand on est un décideur public ? Puis, les cabinets de conseil (cabinets externes et cabinets internes) servent-ils à bien conseiller ? Et si oui, à quelles conditions ? »
Certes répondre à une question posée en termes de finalité, ce n’est pas si simple …
Quand dans une réunion professionnelle, on demande à chacun à quoi il ou elle sert, on commence par entendre rires ou énervements. Puis les réponses arrivent et chacun se décrit, le plus souvent, par ses fonctions et non pas par sa mission.
Le directeur du budget dira « je sers à faire préparer et faire voter le budget annuel ». Le directeur des ressources humaines dira « je sers à recruter, payer, affecter le personnel…ou… je sers à diriger la direction qui gère les compétences du personnel et négocie les emplois ». Le garagiste dira « je sers à vendre et réparer des voitures ». Le boulanger dira « je sers à fabriquer et vendre du pain ».
Ces réponses expliquent ce que les gens font et non pas ce à quoi ils servent.
Simon Sinek dirait « Start with Why ! » et sa représentation sous forme de Cercle d’or est pédagogique.
Pourquoi, est-il essentiel de commencer par se poser la question en termes de finalité « A quoi ça sert ? Quel besoin cela doit-il satisfaire » ?
Pour éviter de faire fausse route ! Par exemple, pour ne pas se retrouver englué avec un projet inutile, mal adapté aux problèmes qu’il prétend résoudre, et avec des dépenses mal ciblées.
Par exemple un fabricant de voitures pourrait, dire, comme Pierre Boulanger l’inventeur de la 2CV de Citroën en 1935 : « Faites étudier par vos services une voiture pouvant transporter deux cultivateurs en sabots, cinquante kilos de pommes de terre ou un tonnelet à une vitesse maximum de 60 km/h pour une consommation de trois litres aux cents.
La voiture devra pouvoir passer dans les plus mauvais chemins, pouvoir être conduite par une conductrice débutante et avoir un confort irréprochable.
Le point de vue esthétique n’a aucune importance.
Et le prix devra être inférieur au tiers de celui de la traction avant 11 CV. »
Par exemple, un membre de Galilée.sp, nous dit souvent que lorsqu’il était dirigeant de Blédina (Groupe Danone), sa mission n’était pas de fabriquer et vendre des petits pots pour bébés mais de leur apporter une alimentation saine.
Autre exemple, Michelin se présentait déjà, au début des années 2000, non pas comme un fabricant de pneus mais comme un partenaire de mobilité.
Encore un exemple d’un fabricant de gants de ménage. La première formulation spontanée de sa mission était : « Nous fabriquons et vendons des gants en latex trempé ». Aïe, ceci est une description technique ! Alors : « Nous fabriquons et vendons des gants » ? C’est mieux, mais c’est toujours la définition du produit. A quoi sert-il ? A protéger la main. Nous y voilà : « Protéger les mains », et on peut préciser « … lors des travaux de ménage ».
Alors, apprenons, dans les administrations publiques et dans le champ politique, à bien poser les questions en commençant par « Quel est le besoin ? A quoi ça sert ? »
Si vous voulez en savoir plus, relisez le Billet d’humeur de Paul-Hubert des Mesnards sur l’analyse de la valeur et vous verrez comment exploiter ce questionnement pour créer des produits ou des services qui satisfont les besoins.
Maintenant, chère lectrice, cher lecteur, je m’adresse à vous : Les Billets d’humeur de Galilée.sp, ça sert à quoi ?
Les gagnants du concours auront le droit d’en faire un !
Catherine Gras
Présidente du conseil d’orientation de Galilée.sp