Par Jean-Marc ROSSINOT, ancien fonctionnaire d’État et membre de Galilée.sp
Ce message de courage est offert par Jean-Marie ROSSINOT – dont le parcours diversifié au sein du monde public – nous montre que l’énergie et la détermination se travaillent et s’acquièrent.
Il a été conseiller de tribunal administratif et commissaire du gouvernement (ce qui permet de bien connaître les collectivités locales et territoriales et les services de l’État ) ; Cadre dirigeant de la Caisse des dépôts et Consignations (directeur juridique et fiscal ), DRH du groupe financier, Caissier Général (flux financiers de 5 milliards € par jour et conservateur des titres de l’État ce qui induit une forte implication dans certaines privatisations comme France-Telecom et la Caisse National de Prévoyance) puis sortie vers Bercy au CGEFI avec une passionnante mission au sein du Commissariat à l’Énergie Atomique (recherches civiles et militaires donc astreint au «secret défense »)
L’actualité du quotidien relayée par les organes de concurrences médiatiques qui s’en nourrissent sans pudeur, oscille entre drames, violences, déchainements climatiques, guerres sur des territoires de plus en plus proches de nos oreilles, le tout avec les conséquences qui en résultent : angoisses, famines, misères, maladies… La planète ne semble plus en mesure de donner un sens au mot « humanité » comme si elle s’habituait aux sirènes diaboliques annonciatrices de destruction.
« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature mais c’est un roseau pensant » écrivait Pascal dès le XVIIème siècle ce qui implique qu’il peut faire des choix…L’homme a pourtant organisé une part importante de son existence au développement de son instinct de domination au détriment de l’organisation d’une société qui trouverait plus de bonheur dans la « compréhension » d’autrui conduisant au sens du devoir plutôt que l’obsession du pouvoir. On a toujours rêvé de la meilleure organisation de la Société à l’initiative de l’État et l’Histoire oscille entre la grandeur des empires et la souveraineté des territoires devenus des nations. La nouveauté est apparue avec les notions de « démocratie » et de « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Mais cela suppose la mise en place de règles et de normes compréhensibles par tous avec, en tout premier lieu, ce que les constitutions adoptées par les peuples des démocraties ont qualifié de droit fondamental : «la liberté d’expression ».
Le phénomène par son ampleur n’est pas nouveau : le thème sur l’intervention de l’État est quasiment constant depuis que les députés de la Convention ont décidé d’abolir la monarchie le 21 septembre 1792. Dès le XVème siècle sous la monarchie absolue les Parlements provinciaux et les officiers royaux – chargés de l’enregistrement des lois (édits) et lettres patentes – pouvaient demander au roi de modifier ou de retirer un texte estimé contraire à l’intérêt général ou aux lois fondamentales du royaume avant son enregistrement. Deux siècles plus tard le pouvoir royal a limité puis supprimé cette faculté ce qui a contribué à sa chute…
Pour adapter les normes aux réalités, c’est à dire au vécu des gens, il faut tenir compte d’un contexte diversifié (éducation, environnement, évolution des mœurs, contraintes liées aux déplacements, niveau de vie…) Or, tous ces éléments d’appréciation dépendent de lieux de vie très variables selon qu’ils se situent en cœur de ville, en banlieue, dans un village, ou dans une grande métropole voire une mégalopole…Montesquieu avait déjà pressenti la nécessité de considérer que le fonctionnement des sociétés dépendait à la fois des lois qui ont une fonction régulatrice et des réalités du cadre de vie qui reflètent les « institutions de la nation en général » (De l’esprit des lois 1748).
Sans moyens importants et changement des mentalités, il sera difficile d’adapter la République aux nécessités de la fraternité et de la compréhension d’une réforme en profondeur… Même en mesurant sa mise en œuvre sur au moins une décennie…l’esprit de revanche risque encore de l’emporter sur le sens de la solidarité et de la fraternité. On reconnait (aujourd’hui seulement) que les mandarins de chaque parti politique, quel qu’il soit, n’arrivent même pas à avoir une gestion saine et transparente des fonds et du financement de leurs organisations…
On traverse par sottise et ambition une période difficile qui pourrait faire obstacle à une réflexion objective sur les défaillances de nos organisations (qu’il s’agisse de services publics locaux ou nationaux) et de de la complexité des normes qu’ils gèrent sans avoir la possibilité de les adapter aux besoins réels des populations ou de la mise en œuvre d’actions concrètes pour que les valeurs de la Républiques soient comprises et mises en œuvre sur tout le territoire. Cela n’empêche pas de s’exprimer sur le sujet et de proposer les conditions de la mise en œuvre de dispositifs simples localement et au niveau national sous réserve de réformes drastiques des administrations centrales et territoriales (référendum ?)
Je termine ce clin d’œil en signalant deux ouvrages qui ont attiré mon attention au regard du thème relatif aux sociétés et aux institutions.
-Le premier de Pierre ROSANVALLON intitulé « LES INSTITUTIONS INVISIBLES » Éditions du Seuil, octobre 2024.
-Le second de Jacques ATTALI intitulé « HISTOIRES ET AVENIRS DES VILLES »
Éditions Flammarion octobre 2024.
Pour faire le lien rapide entre ces ouvrages et la complexité d’organiser la réflexion sur la possibilité d’alléger les normes et les gouvernances, j’ai choisi les deux passages suivants de « l’histoire des villes » :
- « Nous vivons, à l’échelle de la planète, un instant de pivot où tout peut basculer vers le pire ou le meilleur, selon la priorité que l’on donnera aux enjeux de l’urbanisme…En 2050, si tout continue, plus des deux tiers des humains vivront dans des villes ; elles devront loger 2,5 milliards d’habitants de plus qu’en 2024, dont 1 milliard dans seulement trois pays : l’INDE, la CHINE et le NIGERIA ; on aura dû construire des centaines de villes nouvelles. Les trois villes les plus peuplées du monde seront dans le sous-continent indien : Bombay suivi de Delhi ou de Dacca, avec chacune plus de 35 millions d’habitants. De Lagos à Abidjan, la côte ne sera plus qu’une métropole immense qui se jouera des frontières et sera bien plus vaste et peuplée que le sont les plus grandes agglomérations américaines, européennes ou chinoises. En 2100 ce sera bien pire encore : il y aura 10 villes de plus de 50 millions d’habitants… »
Si rien n’est fait d’ici 2050, beaucoup de villes, où vivront les deux tiers de l’humanité, ne seront plus que des prisons à ciel ouvert, des lieux d’enfer, de non-droit » …
- « Paris : environ 20% des résidents de la capitale sont nés hors de France (jusqu’à 25% dans le 19e arrondissement) et c’est le cas de 18% pour l’ensemble de la région Île-de-France. Il est difficile d’en savoir plus, en raison de l’interdiction française de produire des statistiques ethniques. On sait seulement que Clichy est la ville de beaucoup de Turcs ; Montreuil, de Maliens ; Créteil, de Vietnamiens ; Villeneuve-Saint-Georges, de Moldaves ; Aubervilliers, de Chinois ; Alfortville, d’Arméniens Pour autant, en France, l’intégration (c’est à dire la pratique courante de la langue nationale et l’acceptation des valeurs républicaines) est bien mieux réussie qu’ailleurs, en raison, entre autres, des lois sur la laïcité ; et le communautarisme y est en principe banni, au lieu d’être toléré sinon encouragé, comme dans les pays anglo-saxons ».
La réflexion sur la gouvernance territoriale et nationale ne doit pas se faire sans intégrer les dangers qui menacent la planète, les individus et les collectivités. Elle doit donc intégrer le sens du devoir dans l’exercice des pouvoirs de tous ordres et notamment la cohésion entre toutes les gouvernances y compris le monde de l’entreprise.
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NOTONS : Jean-Marie ROSSINOT a été cadre dirigeant de la Caisse des dépôts et Consignations (directeur juridique et fiscal ), DRH du groupe financier, Caissier Général (flux financiers de 5 milliards € par jour et conservateur des titres de l’État ce qui induit une forte implication dans certaines privatisations comme France-Telecom et la Caisse National de Prévoyance). Puis il a été en poste à Bercy, au CGEFI, avec une passionnante mission au sein du Commissariat à l’Énergie Atomique (recherches civiles et militaires donc astreint au statut du «secret défense »).