Dans son émission du 8 septembre « L’heure des pros », Pascal Praud a évoqué le livre de Philippe Besson : « Un personnage de roman » à propos de Macron.
Ceci m’a interpellé au travers de deux auteurs :
– Jean Baechler : Les phénomènes révolutionnaires
– Kurt Flasch : Introduction à la philosophie médiévale
En quoi ces deux auteurs sont-ils d’actualité et qu’ont-ils à voir avec une émission de C-NEWS ?
Pascal Praud rappelle que Macron aurait dit sur les intellectuels, qu’ils « regardent dans les yeux d’hier. Ils sont sur leur Aventin. Ils n’aiment pas l’action politique, mais vivent de son commentaire. Ils sont devenus des éditorialistes [qui] sont dans le copinage et le coquinage depuis des années ». Et, pour bien marquer sa différence, Macron se réfère à Jürgen Habermas. Journaliste à itélé, Marie Lançon titre : Macron attaque « les Sachants »…
Les « sachants »
Visiblement nous sommes dans une période de transition. Jean Baechler, dans son livre « les phénomènes révolutionnaires » (première édition en 1970 et réédition en 2006), écrit en page 145 :
« Il faut enfin noter, à l’époque contemporaine, les chefs des partis. Ils ne constituent pas, à proprement parler, un groupe social, car suivant l’orientation du parti, ils recrutent davantage dans tel ou tel groupe. Ils constituent cependant un ensemble d’homme de partis, soumis à une discipline et dont le sort est lié à l’activité politique. » Même les partis socialistes, qui se voulaient ouvriers avant tout, comptaient peu d’ouvriers dans leurs organes dirigeants. Avant 1914, les députés socialistes comptaient deux ouvriers ».
Ceci n’a fait que se confirmer au travers de la nomenklatura d’Etat qui petit à petit a envahi la sphère politique, ce qui fait écho à la remarque d’un des participants, selon lequel : « 75 % des français ne voyaient pas de différence entre la droite et la gauche ».
Pour Jean Baechler, ceci renvoie à la notion suivante : « pour que le peuple bouge et participe à un processus révolutionnaire, il faut donc un choc ». D’où la réussite de cette candidature ni gauche ni droite de Macron qui se veut « révolutionnaire ».
Le langage et les expressions employées par Macron s’inscrivent dans ce contexte. Pour cela il faut remettre en cause les comportements et les concepts employés par les « Sachants ».
Kurt Flasch et « le culte aristotélicien »
Kurt Flasch dans son ouvrage (p222/223) fait référence à la philosophie depuis l’entrée d’Aristote en Occident. « La secte aristotélicienne règne désormais. Elle juge qu’il est hérétique de parler de la coïncidence des opposés et surtout de la coïncidence des contradictoires. Elle voudrait traiter l’infini comme si c’était du fini. Cela vaut aussi bien pour l’infinité des changements individuels que pour l’infinie capacité du développement humain. »
Nous sommes dans la logique actuel du Savoir matérialisé par la « diplômite aigüe « et sa supériorité sur les « Savoirs d’expérience ».
Revenons à Kurt Flasch : « Le poids d’une longue habitude a pour effet que les hommes sont prêts à sacrifier leur vie plutôt qu’à abandonner leur façon de penser. » Nous sommes là encore dans le syndrome des « Sachants ».
Kurt Flasch d’ajouter « Aujourd’hui, la plupart de ceux qui s’adonnent à la théologie (ou à d’autres formes de pensées normées) se préoccupent de certaines traditions positives et de leurs formes. Ils se prennent alors pour des théologiens (ou de grands penseurs/grands journaleux/ grands politiques, …) sitôt qu’ils se sentent capables de parler comme ceux qu’ils ont établis comme autorités. » « Il leur manque l’expérience directe et la distance à l’égard des mots. Il leur manque aussi la critique des degrés du savoir. Tous s’exténuent en un culte aristotélicien des autorités ; la science a perdu toute vie et elle est devenue inutile aux hommes. »
Cette réflexion n’est pas une ode à Macron mais une tentative pour nous interpeller sur ce culte aristotélicien qui rassure nos « Elites » et qui pousse les citoyens vers une insurrection lente mais constante si rien ne change.
Dominique Guézélou
Membre de Galilée.sp