Paul-Hubert Des Mesnards, Président de l’UPR « Créativité » de Galilée.sp, avait sollicité son ami Jean Fox, ancien collègue au sein de Créargie et fondateur du collectif « Altermakers » pour animer ce dernier petit déjeuner de l’année 2020 en format ZOOM consacré à « L’alter-capitalisme, de la critique à la fabrique d’alternatives ».
Qui est Jean Fox ? Qu’est-ce-que « Altermakers » ?
Pour faire connaissance avec Jean Fox, rien de tel qu’une visite sur le site d’HEC Stories . Jean y livre son témoignage sur la création d’Altermakers et les missions qu’elle se propose de remplir. Voici quelques extraits d’une présentation très personnelle et dynamique : « Altermakers est née dans la crise et est en train de grandir de la crise.
Altermakers est une « boutique » alternative par ses méthodes et son accompagnement. Nous rassemblons une diversité de talents (des marketers, un philosophe, un cuisinier, une ethnologue, une nutritionniste, un romancier, des entrepreneurs…) et nous intervenons essentiellement sur des sujets de stratégie, d’innovation et de performance. Oui, ce confinement me donne de l’énergie et de la force. D’abord, bien sûr, il permet un retour sur soi, un temps avec soi. Je travaille à proximité de ma bibliothèque et j’en mesure l’intérêt tous les jours, car le savoir et l’apprentissage rendent nos travaux plus robustes. Ensuite, vivre confiné (et tout seul qui plus est) exacerbe mon besoin de lien social et ça tombe bien, car Altermakers est le collectif dont je rêvais. Je suis donc entouré de personnalités et de talents que j’admire. Le casque sur les oreilles presque toute la journée, je consulte et j’échange beaucoup… (…) Je suis surtout un passionné des temps présents et je sais que la crise que nous vivons est une aubaine. Une crise est toujours un moment à la fois douloureux et fécond ».
Un exercice d’interactivité
Pour ce petit déjeuner « à distance », Jean Fox a proposé aux participants un exercice d’interactivité à partir d’un cours destiné aux étudiants d’HEC, intitulé : « L’alter-capitalisme, de la critique à la fabrique d’alternatives ».
Cette présentation reposait sur le pari audacieux, – mais finalement réussi – de faire « inter-agir » les participants en utilisant les outils de « ZOOM » : le « chat », la prise de parole en direct, en y ajoutant une bonne dose de maïeutique, transformant ainsi Jean Fox en « Socrate d’Altermakers « !
Jean Fox, le « Socrate » d’Altermakers…
Si l’on se réfère au Larousse : « Dans la philosophie socratique, [la maïeutique est] l’art de conduire l’interlocuteur à découvrir et à formuler les vérités qu’il a en lui ». Pour le coup, le « chat » et les micros du « Zoom » galiléen ont été largement mis à contribution ! Tout le monde s’y est mis, avec application et implication ! Voici quelques exemples à partir d’une première question posée par notre « intervenant-animateur » sur le capitalisme dans l’histoire et sur la vision que nous en avons…
Le capitalisme dans tous ses états ?
Ou plutôt la critique du capitalisme sous toutes ses facettes avant d’en arriver à la « fabrique d’alternatives » l’un des objectifs visés par les « altermakers » pour changer de regard, penser autrement, faire autrement.
Dès lors, l’échange avec les étudiants – ou dans le cas de Galilée.sp – avec les participants – via le « chat » ou la prise de parole -, est une étape utile et nécessaire pour réfléchir sur la base de questions ou remarques du type : « le capitalisme m’indigne personnellement parce que/parce qu’il » ou bien encore : « certains critiquent le capitalisme parce que/parce qu’il… ».
Une fois cette étape franchie, Jean Fox identifie et présente les archétypes de la critique, puis repart dans le questionnement : « la critique, à quoi bon ? »
Volet 1 : identification de la critique (d’après diapo n° 9 du document PDF de Jean Fox joint au présent article)
Volet n° 2 les archétypes de la critique (d’après diapo n° 10 du document PDF de Jean Fox joint au présent article)
Les différentes critiques sont passées en revue, apportent différents éclairages, permettant ainsi à chacun de se situer, de prendre (ou de retrouver) ses repères en matière de revendications adressées au capitalisme.
La critique… de la critique
Surgit alors une nouvelle phase dans le questionnement : la critique, pourquoi ? A quoi bon ? N’est-ce-pas inutile ?
Petit détour vers le chat pour prendre connaissance des réponses des « galiléens », avec notamment ces remarques : « ça fait avancer », « [la critique] permet de déconstruire les préjugés et les idées non-interrogées qui empêchent le changement ». Plusieurs interventions également « en direct » par le jeu des questions/réponses entre un ou plusieurs participants et l’animateur. Nous sommes toujours dans l’interactivité et chacun a à cœur de faire valoir ses arguments ! Ce qui ressort de cette partie du débat, c’est bien que la critique est utile et nécessaire avant d’envisager le passage à l’action, ou aux actions !
Le temps de l’action (des actions) : de TINA à TAMA [1]
Après avoir établi la différence entre anti-capitalisme et alter-capitalisme, Jean Fox donne à nouveau la parole à son auditoire pour accueillir/recueillir les propositions alternatives pour savoir s’il faut en finir avec le capitalisme ou s’il convient de le réformer en lui donnant une autre « forme ». Autrement dit sortir de l’attitude dogmatique de Madame Thatcher déclarant une bonne fois pour toutes au sujet du libéralisme (un avatar du capitalisme) « TINA » (there is no alternative) pour affirmer que d’autres alternatives existent : « TAMA : there are many alternatives ».
Retour vers le chat et le micro de « Zoom » pour prendre connaissance des propositions « alternatives » des participants : Alain Arnaud, Président du CIRIEC et invité du petit déjeuner du 7 décembre plaide pour le développement de l’économie sociale et solidaire, Catherine Gras pour revoir le profil des dirigeants publics, Sarah Dognin-Cruissat et Annick Montibert pour que l’humain retrouve toute sa place au sein du système économique, Myriem Mazodier pour que le risque pris par celui qui entreprend soit récompensé à sa juste valeur. D’autres participants prônent la mise en place d’un revenu universel inconditionnel et un partage plus juste des richesses…
La plasticité du capitalisme
Jean Fox donne des explications détaillées sur ce qu’il convient d’entendre par cette expression. Le capitalisme « résiste » à toutes les formes de critiques car il porte en lui une extraordinaire capacité à « muter » (on se gardera de faire quelque rapprochement avec une certaine pandémie….) et à prendre d’autres formes. Jusqu’à présent, il a toujours trouvé la « parade », « l’issue de secours » pour assurer sa pérennité… Jean Fox fait référence à ce sujet au livre de Luc Boltanski et Eve Chiapello « le nouvel esprit du capitalisme »
Sur cet aspect des «avatars » du capitalisme (ou de son « nouvel esprit »), il peut être intéressant de reprendre ci-dessous la 4ème de couverture de cet ouvrage paru pour la première fois en 1999 et réédité en 2011 : « Le capitalisme prospère ; la société se dégrade. La croissance du profit s’accompagne de celle de l’exclusion. La véritable crise n’est pas celle du capitalisme, mais celle de la critique du capitalisme. Trop souvent attachée à d’anciens schémas d’analyse, la critique conduit nombre de protestataires à se replier sur des modalités de défense efficaces dans le passé mais désormais largement inadaptées aux nouvelles formes du capitalisme redéployé.
Cette crise, Ève Chiapello et Luc Boltanski, sociologues, l’analysent à la racine. Ils tracent les contours du nouvel esprit du capitalisme à partir d’une analyse inédite des textes de management qui ont nourri la pensée du patronat, irrigué les nouveaux modes d’organisation des entreprises : dès le milieu des années 70, le capitalisme renonce au principe fordiste de l’organisation hiérarchique du travail pour développer une nouvelle organisation en réseau, fondée sur l’initiative des acteurs et l’autonomie relative de leur travail, mais au prix de leur sécurité matérielle et psychologique.
Ce nouvel esprit du capitalisme a triomphé grâce à la formidable récupération de la «critique artiste» – celle qui, après Mai 68, n’avait eu de cesse de dénoncer l’aliénation de la vie quotidienne par l’alliance du Capital et de la bureaucratie. Une récupération qui a tué la «critique artiste». Comme, dans le même temps, la «critique sociale» manquait le tournant du néocapitalisme et demeurait rivée aux vieux schémas de la production hiérarchisée, on la trouva fort démunie lorsque l’hiver de la crise fut venu.
Un mot « magique» et un outil majeur : le management
A la lecture du texte ci-dessus, on aura compris que le management est l’outil par excellence du nouvel esprit du capitalisme, de ce système que Catherine Gras qualifie de « résilient » en s’exprimant sur le chat de ce petit déjeuner virtuel. Ce qu’illustre et résume la « diapo » 34 de la présentation de Jean Fox :
Faire, mais faire autrement…
En s’inspirant du mouvement des « makers » et en choisissant de s’inscrire dans « l’âge du faire », titre de l’ouvrage de Michel Lallement, sociologue et professeur au CNAM, pour une forme de retour aux principes de l’anarchisme : « Fruit d’une enquête ethnographique menée dans la région de San Francisco, là où les chantres de la contre-culture libertaire côtoient les entrepreneurs de la Silicon Valley, ce livre plonge au cœur du mouvement faire (make). Il en décrit les origines historiques ainsi que ses multiples impacts sur l’économie et la société. Michel Lallement a partagé la vie des hackers, les a regardés inventer, bidouiller et s’organiser au quotidien dans des communautés frottées, pour certaines d’entre elles, aux principes de l’anarchisme. Il les a fait raconter et expliquer leurs vie, leurs choix, leurs idées ».
Mais comment faire autrement ?
La présentation du livre de Michel Lallement fournit quelques éléments de réponse : « En expérimentant une utopie concrète, les hackers font plus qu’imaginer une autre manière de travailler. C’est une nouvelle grammaire du vivre ensemble que, sous nos yeux, ils sont en train de composer ».
« À distance des exigences imposées par le marché et les grandes organisations bureaucratiques, les membres des hackerspaces et autres laboratoires de fabrication font du travail une fin en elle-même, sans que quiconque n’impose d’objectifs, de délais, de contraintes… Juste l’envie de faire pour soi ».
L’aventure d’ « Altermakers »
Lorsqu’il parle d’Altermakers, Jean Fox insiste sur le fait qu’il s’agit d’une aventure collective et que « Altermakers est le collectif dont il rêvait ». Altermakers rassemble « une large palette de talents » issus de secteurs très divers ainsi que l’indique le site internet.
La méthode ?
Une démarche de collaboration créative, comme l’indique la diapo ci-dessous (n° 47 du diaporama de Jean Fox) qui n’est pas sans rappeler la méthode des Laboratoires Incubateurs d’Idées (L.I.I.) de Galilée.sp.
Le but ? Faire aboutir les projets !
En aidant, ainsi que le suggère la diapo ci-dessous extraite du site d’Altermakers « à changer de regard, à imaginer et à faire les choses autrement. Ensemble »
Et pour conclure…
Le diaporama en format PDF utilisé par Jean Fox pour sa présentation, est téléchargeable ci-dessous
[1] TINA : There Is No Alternative (Mme Thatcher) TAMA : There Are Many Alternatives (concept soutenu par des partis de gauche, associations, syndicats, mouvements citoyens…)