En prolongement du petit déjeuner du 25 janvier sur la vision partagée : comment exprimer une raison d’être ?
La loi PACTE a institué la notion d’ « entreprise à mission » et cela a incité certaines entreprises à définir leur « raison d’être ». Et voici comment l’une d’entre elles a formulé sa raison d’être :
« Forts de notre histoire, de nos valeurs et de nos savoir-faire, nous nous engageons à vos côtés et nous nous réinventons jour après jour pour améliorer la qualité de vie et renforcer la solidarité entre les générations ».
A première vue, cela semble bien sympathique et l’on se demande comment on pourrait ne pas y adhérer. Peut-être cela peut-il sembler un peu … général ? Oui, mais il est dit dans le texte d’accompagnement que cela résulte de travaux de co-construction, et je dis toujours que le processus est aussi important que le résultat, même si celui-ci paraît général.
A seconde vue, pourtant, quelque chose me gêne : cette formulation me rappelle trop certains slogans qui tapissent les halls d’accueil des entreprises et qui ne restent que des slogans incantatoires, qui ne s’incarnent pas dans la pratique quotidienne. Oui, ça sent un peu la « langue de bois managériale » !
Mais surtout, de quelle entreprise s’agit-il ? Et c’est là que le bât blesse. Combien en effet de « raisons d’être » apparaissent standard, pouvant être signées par toutes sortes d’entreprises. Bien sûr cela ne va pas aussi loin dans la désincarnation que celle que j’ai pu entendre, de la part d’une grande chaîne de distribution d’articles de sport : « Notre raison d’être ? Satisfaire nos clients ». Mais « Améliorer la qualité de vie » peut être revendiqué par bien des types d’entreprise : s’agit-il d’un marchand de chaussures, d’un constructeur d’automobiles, d’une enseigne de bricolage, d’un hôpital … ? « Renforcer la solidarité entre les générations » sonne plus précis, mais s’agit-il alors d’un EHPAD, d’une plate-forme de lien entre étudiants et personnes âgées ? Et, pour réunir les deux termes, d’un cabinet de coaching soutenant les liens sociaux ? Eh bien non, c’est une mutuelle ! Là, j’avoue que j’ai un peu triché, puisque la désignation de l’entreprise figurait dans le texte : « la mutuelle XXX » ! Mais cela n’est même pas suffisant : la raison d’être doit être spécifique, exprimer la mission de l’entreprise (ou de l’organisation).
C’est pour cela que je distingue « le combat » (pour un monde meilleur) et « la mission ». Dans cet exemple, « améliorer la qualité de vie » et « renforcer la solidarité entre les générations » relèvent du « combat » ; il manque la mission, par exemple : « Assurer une protection mutuelle contre les aléas de santé »
Exprimer la mission n’est pas toujours facile. Voici un exemple vécu. Dans cette entreprise qui fabrique des gants de ménage, la première formulation spontanée de la mission était : « Nous fabriquons et vendons des gants en latex trempé ». Aïe, ceci est une description technique ! Alors : « Nous fabriquons et vendons des gants » ? C’est mieux, mais c’est toujours la définition du produit. A quoi sert-il ? A protéger la main. Nous y voilà : « Protéger les mains », et on peut préciser « … lors des travaux de ménage et de jardinage ». Mais on pourrait remonter plus haut : « Faciliter les travaux de ménage et de jardinage en toute sécurité ». Oui, mais là cela pourrait s’appliquer par exemple à un distributeur d’articles ménagers et de jardinage, on est remonté trop haut, on n’est plus spécifique à l’entreprise, on est plutôt au niveau du « combat pour un monde meilleur ». On pourrait remonter encore plus haut : « Améliorer la qualité de vie à la maison », mais plus on « monte haut », plus on s’éloigne du concret. Cette gestion des niveaux n’est donc pas évidente et se gère surtout par la pratique et le bon sens.
Lors d’un des derniers petits déjeuners de Galilée.sp, l’un de nos adhérents avait témoigné du changement de regard que lui avait apporté la reformulation de la raison d’être de Blédina qu’il dirigeait : non plus « fabriquer et vendre des petits pots pour bébés », mais « apporter aux bébés une alimentation saine ».
Et puisque Danone (dont Blédina est une filiale) fait en ce moment l’actualité, rappelons sa raison d’être selon Emmanuel Faber : « Apporter la santé par l’alimentation pour le plus grand nombre ». Il n’est donc pas besoin de beaucoup de mots pour dire l’essentiel.
Lors du petit déjeuner du 25 janvier, j’avais proposé une session d’approfondissement de ces notions. Elle n’est pas encore programmée, aussi, si vous êtes intéressé.e, vous pouvez me contacter à l’adresse : desmesnards@wanadoo.fr
Paul-Hubert des Mesnards,
Président de l’UPR Créativité de Galilée.sp.