Premiers « retours » sur la Conférence internationale
organisée par le CIRIEC-France le 7 février 2019
Ci-après les interventions d’Alain Arnaud, Président du CIRIEC-France et de Catherine Gras, Présidente du Conseil d’orientation de l’association Galilée.sp à l’ouverture de la Conférence :
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je suis très heureux de vous accueillir au nom du CIRIEC-France, à cette conférence sur le thème de la finance et de son rapport à l’intérêt général, au cœur du ministère de l’économie et des finances, dans ce prestigieux amphithéatre qui porte le nom d’un emblématique homme politique français, Pierre Mendès-France.
Vous êtes venus nombreux, et de loin pour certains, et je vous en remercie bien vivement. Je salue mes amis qui nous font l’honneur d’être présents :
- le professeur Jorge De Sa, président en exercice du Ciriec-International et président du Ciriec-Portugal,
- Madame la Ministre Léona Detiège, présidente du Ciriec-Belgique,
- Monsieur Léopold Beaulieu, président du Ciriec-Canada
- le professeur José-Luis Monzon président du conseil scientifique du Cirec-Espagne,
- le professeur Imamura, vice- président du Ciriec-Japon
- le recteur Aycah, président du Ciriec-Turquie
- le professeur Bernard Thiry directeur général du Ciriec-International et l’équipe du siège international
- le professeur Philippe Bance, président du Conseil Scientifique du Ciriec-International
Je salue également Catherine Gras, fondatrice de l’association Galilée.sp, partenaire du CIRIEC-France qui s’exprimera dans quelques instants. Je remercie également les organisations qui apportent leur soutien à cet évènement.
Quelques mots du CIRIEC dans ce propos d’accueil, car beaucoup ne connaissent pas cette institution, probablement une des plus anciennes qui s’intéresse à l’économie non lucrative, après l’Alliance Coopérative Internationale.
Le CIRIEC, c’est l’acronyme de Centre International de Recherche et d’Information sur l’Economie Publique, Sociale et Coopérative.
- C’est une organisation scientifique, créée en 1947 par un professeur d’économie politique français, Edgard Milhaud, mais qui trouve sa source en 1908 quand Edgard Milhaud, alors collaborateur de Jean-Jaurès et proche de Léon Blum et Vincent Auriol, créa une revue scientifique internationale, les Annales, qui recueillait des travaux sur les modèles économiques qui servent l’intérêt collectif, principalement l’économie publique, mais aussi coopérative.
- Après les guerres mondiales, ce grand militant de la paix qu’était Edgard Milhaud a souhaité donner un avenir à sa revue Les Annales, et provoquer un nouvel élan de la recherche sur l’économie collective, convaincu que le maintien de la paix dans le monde passait par le progrès économique et social, et par une juste redistribution des richesses créées.
- C’est pour cela que le CIRIEC a été institué, en Suisse, le 12 février 1947, en marge de l’assemblée générale du BIT, avec l’appui des grandes personnalités politiques et syndicales de l’époque, notamment suisses, belges et françaises. Son siège est aujourd’hui à Liège en Belgique. Le CIRIEC-France, quant à lui, a été créé en 1950, avec le concours de hautes personnalités de la République telles que Léon Blum, Edouard Herriot, Guy Mollet. Les premiers présidents furent Léon Jouhaux, Paul Ramadier, Albert Gazier, Gabriel Ventéjol, puis plus récemment Jacques Fournier, l’un de mes prédécesseurs, grand serviteur de l’Etat, présent parmi nous.
Aujourd’hui le CIRIEC comprend, avec la France, 20 membres, 13 sections nationales et 7 membres collectifs – en Europe, Amérique du Sud, Canada et Japon, et s’appuie sur un réseau scientifique de quelque 750 universitaires et experts praticiens répartis dans 60 pays du monde.
Si j’évoque ce trait historique, c’est pour rappeler la mémoire de ce grand militant de la paix qu’était Edgard Milhaud, très connu et apprécié à son époque, mais oublié de l’histoire sociale. C’est aussi pour indiquer que les théories économiques élaborées par ce grand visionnaire il y a près d’un siècle, sont d’une particulière actualité dans ce monde tourmenté et inégalitaire tel que nous le vivons.
Vous l’aurez compris, l’ADN du CIRIEC d’aujourd’hui c’est de poursuivre dans la voie traçée par Edgard Milhaud, pour développer plus que jamais la recherche scientifique et l’information sur les modèles économiques qui servent l’intérêt général, qui créent de la valeur collective, que cette création de richesse émane de la sphère publique ou de l’ESS, ou de préférence des deux conjointement.
C’est en tous cas le sens des travaux de recherche qui sont menés au CIRIEC-France, où de nombreux thèmes en lien avec l’intérêt général et la préservation des biens communs sont abordés par les équipes d’universitaires et de praticiens de terrain qui partagent nos valeurs fondamentales.
Et c’est dans la continuité de ces travaux et par référence à l’intérêt général qu’il nous est apparu nécessaire de mettre en débat et en réflexion la finance, dont on dit souvent beaucoup de mal, probablement à juste titre, mais qui est au cœur des modèles économiques et de la stabilité des sociétés.
Ainsi, vous l’aurez vu dans le programme, nous avons voulu organiser cette conférence en trois temps :
- Un premier temps pour faire un point sur la situation financière internationale, après la grave crise bancaire et financière de 2008. Celle-ci avait fait prendre conscience des dégâts économiques et sociaux que pouvait causer un système financier international tourné vers la spéculation, déconnecté de l’économie réelle, mal régulé en raison des flux considérables d’argent noir et d’argent sale qui échappent au contrôle des autorités. Qu’en est-il aujourd’hui? Est-ce que les risques d’une nouvelle crise financière sont écartés ? Quel est l’état de la régulation ?
- Un deuxième temps pour évoquer le rôle des banques en faveur de l’intérêt général, et la perception qu’en a l’opinion publique. Les banques ont été violemment critiquées après la crise financière, critiques qui s’ajoutent à la mauvaise presse dans l’opinion publique d’un secteur jugé peu transparent, prenant trop de risques sur les marchés financiers au détriment du financement de l’économie réelle. Quelle réalité à ces critiques ? Peut-on mieux faire comprendre le rôle des banques et améliorer l’image du banquier dans la société ?
- Un troisième temps pour aborder la question de l’avenir de la finance socialement responsable dans ce monde en pleine mutation. Il est heureux que dans ce contexte de finance mondialisée mal maîtrisée, face aux multiples enjeux économiques, sociaux et environnementaux, l’idée se soit développée d’une finance plus raisonnable, au service d’une économie plus éthique, plus responsable et plus solidaire. Quelles sont les enjeux et les défis aujourd’hui ? Peut-on donner du sens à la finance, avec quelles perspectives ?
Voilà toutes les questions que nous avons souhaité mettre en débat au cours de cette conférence, étant entendu qu’il ne s’agit pas là d’un aboutissement, mais d’un nouveau départ pour faire œuvre utile pour la collectivité.
Je vous remercie à nouveau de votre présence et je vous souhaite une bonne conférence.
Intervention de Catherine Gras
« Remettre la finance au service de l’intérêt général »
Bienvenue à toutes et tous
Finances et intérêt général, où en sommes-nous actuellement ? Galilée.sp a pointé sa « lunette astronomique » sur deux rapports récents
J’en ai extrait 2 citations pour les soumettre à notre réflexion :
« La financiarisation de l’économie et le court-termisme pèsent sur la vie de l’entreprise ».
« Il faut remettre les finances au service de l’intérêt général. »
Dans ces 2 phrases, il y a
d’une part un constat lucide sur notre réalité économique d’aujourd’hui (« La financiarisation de l’économie et le court-termisme pèsent sur la vie de l’entreprise ».)
et d’autre part un objectif ( « Il faut remettre les finances au service de l’intérêt général. ») formulé pour redonner un vrai sens à l’argent et une vocation noble au système financier .
Maintenant citons les sources
1/ Premièrement, « La financiarisation de l’économie et le court-termisme pèsent sur la vie de l’entreprise » est un constat. C’est celui d’un binôme de deux personnalités économiques françaises – une ancienne syndicaliste française (Nicole Notat) et un chef d’entreprise, Jean-Dominique Sénard qui est maintenant le PDG du groupe Renault – Ils avaient remis, début 2018, un rapport à 3 ministres, dont Bruno Lemaire, ministre de l’économie et des finances.
Oui, ce court-termisme et cette financiarisation pèsent, comme une chappe de plomb, sur les projets d’entreprise et c’est un obstacle réel à la nécessaire Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE).
2/ Deuxièmement, l’objectif de « remettre les finances au service de l’intérêt général » est l’axe général proposé par le rapport 2018 de Caritas France.
C’est un rapport constructif, qui propose des pistes sérieuses pour redonner du sens à l’argent et permettre à ceux qui ont des besoins non solvables de se construire grâce à un présent solidaire.
Nous sommes, ici, ensemble, aujourd’hui, à la croisée de ces chemins et vous avez à les explorer avec les 3 tables-rondes
Croisée des chemins en effet car l’actuel système financier c’est « Le triomphe de la cupidité » selon l’expression bien sentie de Joseph Stiglitz. Système fragile et qui nous fait tous vivre dangereusement. « Too big too fail », « trop grand pour s’effondrer », c’est faux et nous avons, nous citoyens-contribuables, en 2008-2010, renfloué les caisses de banques privées pour que le système ne s’effondre pas en nous entraînant.
Le système financier néolibéral mondialiste est cupide, à bout de souffle et n’est pas à la hauteur des défis humains d’aujourd’hui.
Il y a tout juste quelques semaines, le président de la République, Emmanuel Macron, dans ses vœux aux Français pour 2019, disait « le capitalisme ultra libéral et financier, trop souvent guidé par le court terme et l’avidité de quelques-uns, va vers sa fin.» Sa parole rejoint les analyses et les écrits de Galilée.sp. Nous serons donc attentifs aux propositions qu’il fera pour enclencher un nouvel ordre financier vraiment soucieux de l’intérêt général.
Oui, nous sommes à la croisée des chemins car les défis de la continuation de la vie sur terre sont réels : nous sommes à l’ère de l’anthropocène et que voyons-nous ? Les riches n’ont jamais été aussi riches et aussi peu nombreux (les travaux de Thomas Picketty l’ont démontré), les espèces vivantes sur terre disparaissent à un rythme accéléré (60% des espèces vivantes ont disparu dans les 40 dernières années [1]), les mouvements migratoires de l’humanité vont être sans précédent en raison de la détérioration accélérée du climat, des pénuries et des régimes non démocratiques etc.
Alors, oui ! Nous savons tout cela et il n’y a pas à faire l’autruche qui se cache la tête dans le sable. Il faut regarder notre réalité en face et réagir.
Il est urgent de « donner du sens à l’argent » car l’argent a la capacité de nous aider à entrer dans un XXIème siècle positif.
Comment travailler dans cette perspective ? Je concluerai mon propos en 3 points :
▶ Nous sommes à la croisée des chemins, il faut donc construire le nouveau cadre dont nous avons besoin dès maintenant pour relever ensemble les défis d’aujourd’hui.
▶ Donnons une vocation positive au système financier et orientons-le résolument vers l’intérêt général !
▶ Mettre en œuvre l’intérêt général ? C’est s’assurer constamment que personne n’est otage, c’est s’assurer constamment que chaque décision prise va profiter à tous et à chacun, c’est s’assurer que personne ne sera écarté, surtout pas les + pauvres ou les + faibles.
▶▶▶ L’intérêt général ! Voici notre boussole pour réussir l’aventure de l’humanité au XXIème siècle ! Alors, oui, donnons du sens à l’argent en mettant les finances au service de l’intérêt général !
[1] Rapport Planète vivante de 2018 du WWF / Worl Wild Fund for Nature, ONG créée en 1961.
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Cette conférence qui a réuni un large public a été filmée dans son intégralité par les services techniques du ministère de l’économie et des finances. On peut découvrir ou redécouvrir ainsi toutes les interventions ainsi que les échanges avec la salle en suivant le lien ci-après :
NOTE DE PRESENTATION DE LA CONFERENCE
et PROGRAMME
La grave crise bancaire et financière de 2008 a durement touché les économies mondiales, et eu des conséquences dramatiques sur les populations dans de nombreux pays. Cette crise a fait prendre conscience des dégâts économiques et sociaux que pouvait causer un système financier international tourné vers la spéculation, déconnecté de l’économie réelle, mal régulé en raison des flux considérables d’argent noir et d’argent sale qui échappent au contrôle des autorités. L’emprise de la finance sur le système économique mondial ayant mis également sous pression, sinon déstabilisé les politiques publiques et la démocratie, les Etats ont assez sensiblement renforcé leurs dispositifs d’encadrement des marchés financiers et des agences de notation, de même qu’ils ont imposé des règles prudentielles plus contraignantes aux banques et institutions financières. Pour autant, est-ce aujourd’hui suffisant ? Est-ce que les risques d’une nouvelle crise financière sont écartés ? Quelles conséquences prévisibles de la montée en puissance des monnaies virtuelles ? Quel est l’état de la régulation ?
Par ailleurs, la crise financière a entraîné de virulentes critiques vis-à-vis des banques et des institutions financières accusées d’avoir joué un rôle important dans son déclenchement, critiques s’ajoutant à la mauvaise presse dans l’opinion publique d’un secteur jugé peu transparent, prenant trop de risques sur les marchés financiers au détriment du financement de l’économie. Quelle réalité à ces critiques ? Peut-on mieux faire comprendre le rôle des banques et améliorer l’image du banquier dans la société ?
Dès lors, dans ce contexte de finance mondialisée mal maîtrisée, face aux multiples enjeux économiques, sociaux et environnementaux, l’idée s’est développée d’une finance plus raisonnable, au service d’une économie plus éthique, plus responsable et plus solidaire. Elle est portée principalement par les organisations de l’Economie Sociale et Solidaire, mais aussi désormais par de grandes banques commerciales qui souhaitent améliorer leur image, notamment en France. Quel est l’avenir de cette finance socialement responsable dans un monde en pleine mutation ?
Ce sont toutes ces questions que le CIRIEC ( Centre International de Recherches et d’Information sur l’Economie Publique, Sociale et Coopérative ) souhaite aborder lors de cette conférence placée sous le parrainage du ministre de l’Economie et des Finances, et à laquelle seront appelés à contribuer plusieurs experts des questions bancaires et financières.
PROGRAMME de la CONFERENCE INTERNATIONALE
Sous le parrainage de Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances
FINANCE ET INTERET GENERAL : Donner du sens à l’argent
Paris, jeudi 7 février 2019 Centre Pierre Mendès-France à Bercy
Inscription gratuite mais obligatoire par mail à : info@ciriec-france.org
PROGRAMME PROVISOIRE
Accueil des participants 13h30-14h20
Ouverture de la Conférence : animation par Anne TRECA, journaliste 14h00-14h20
Accueil par Alain Arnaud président du CIRIEC-France
Propos introductif sur l’intérêt général, Catherine Gras présidente du Conseil d’orientation de Galilée.sp
Table ronde 1 : Panorama du système financier international 14h30-15h30
Marchés financiers, crypto-monnaies, régulation : va-t-on vers une nouvelle crise financière ?
- François Morin professeur émérite de sciences économique
- Anne Choné, Senior Risk Analysis Officer ESMA (European Securities and Markets Authority)
- Bruno Moschetto, maître de conférences ESCP Europe
- Luc Bernier, professeur à l’université d’Ottawa-Canada
Table ronde 2 : L’industrie bancaire : mythes et réalités 15h30-17h00
Image des banques dans l’opinion publique, inclusion financière, rôle dans l’économie et quelle contribution à l’intérêt général ?
- Jean-Louis Bancel, vice-président de l’Alliance Coopérative Internationale
- Sébastien Busiris, secrétaire général de la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvrière
- Nathalie Beaudemoulin, directrice du Contrôle des Pratiques Commerciales à l’ACPR
- Christine Fabresse, membre du Directoire de BPCE
- Tomas Correia, président de MONTEPI0-Portugal
Echanges avec la salle
Table ronde 3 : Regards sur la finance socialement responsable : quel avenir ?17h00-18h15
Témoignages sur l’existant, l’investissement socialement responsable, enjeux et perspectives
- Nathalie Rey, maître de conférences, Université de Paris-13
- Léopold Beaulieu, président de Fondaction – Canada
- Dominique Blanc, directeur de la recherche NOVETHIC
- Hervé Guez, directeur recherche et gestion MIROVA
- Frédéric Tiberghien, président de FINANSOL
Echanges avec la salle
Intervention de Monsieur Bruno Le Maire ministre de l’Economie et des Finances (sous réserve)
- Cocktail