Le 26 novembre dernier, Galilée.sp fêtait le 10ème anniversaire de sa création.
A cette occasion, une pièce de théâtre conçue autour de la figure du grand Galileo-Galilei a été jouée par des membres et des amis de notre association.
En effet, Galilée.sp est fière du nom qu’elle s’est choisie.
L’importance réelle ou symbolique de ce célèbre personnage mérite d’être appréciée à sa juste valeur dans l’histoire de la pensée, l’émergence du monde moderne et en particulier de la civilisation occidentale.
Italien né à Pise en 1564 et mort en 1642 près de Florence, son ardent combat contre l’Obscurantisme annonce dès la fin de la Renaissance, le Siècle des Lumières ! En France, notre conception de la République y puise son fondement le plus considérable.
La Renaissance et les Temps Modernes
La Renaissance, surgie en Italie au 15ème siècle mais répandue en Europe seulement au 16ème, a vu l’éclosion de changements civilisationnels majeurs :
- L’apparition de l’imprimerie, inventée en Europe par Gutenberg en 145O, étend très largement l’accès à la lecture, au savoir et à la culture qui ne sont plus réservés à l’Aristocratie et au Clergé. Elle permettra notamment le développement du rôle social de la Bourgeoisie, ainsi que la naissance du Protestantisme…
- La « découverte » des Amériques par Christophe Colomb (1492) élargit l’horizon géographique des connaissances, marquant le début des « Grandes découvertes » et impulse le progrès de nombreuses disciplines (navigation, géographie, sciences naturelles …).
- L’essor dans la douleur du pluralisme religieux en Europe au travers de longues et sanglantes guerres (civiles ou entre Etats) caractérise également une période qui voit commencer un certain déclin de la toute-puissance de l’Eglise Catholique. Celle-ci pesait sur toutes les dimensions de vie en société, bien au-delà de la seule activité spirituelle : les Etats et leurs gouvernants ; la santé publique, l’éducation, l’action sociale en faveur des plus démunis ; la naissance, le mariage et la mort des individus…
- « Last but not the least », dans ce contexte de contestation par les protestants de l’Eglise Catholique, en astronomie une nouvelle théorie, « l’héliocentrisme » (la terre tourne autour du soleil), découvert par Copernic (1473-1543) (polonais germanophile dont la formation doit beaucoup à l’Italie…) vient percuter de plein fouet la « Contreréforme » issue du Concile de Trente (1545-1563)…
Copernic, le prudent précurseur
Cette dernière théorie, pourtant déjà défendue dans l’antiquité grecque (notamment par les Pythagoriciens), avait été abandonnée par Aristote et Platon puis Ptolémée qui mettaient, eux, en avant le « Géocentrisme » (la Terre est au centre de l’Univers). Elle coïncidait parfaitement avec une lecture littérale de la Bible. A telle enseigne qu’elle était devenue un « dogme » pour une Eglise sur la défensive qui, face au protestantisme, revendiquait le monopole de l’interprétation des Ecritures.
Bien que sa théorie sur l’héliocentrisme se fût élaborée au fil d’une trentaine d’années, Copernic, homme d’une grande prudence, ne publiera son célèbre « De la Révolution des astres célestes » qu’en 1543 à l’heure même de son décès. Sur le moment, il n’y eut donc pas de réaction de l’Eglise Catholique.
Relevons que Copernic n’avait pas apporté de preuves scientifiques à l’appui de sa théorie et en introduction de son ouvrage, paru en Latin et donc réservé à un étroit public, il évoquait « l’héliocentrisme » comme une hypothèse. Sa démonstration était uniquement basée sur la relecture d’auteurs grecs anciens.
Peu de temps après, le Danois Tycho Brahé (1546-1601) quant à lui avait initié l’usage de méthodes plus scientifiques reposant sur l’observation (à l’œil nu) et l’emploi d’instruments de mesure. Cet astronome admirait Copernic. Il avait échafaudé une théorie visant à concilier les systèmes géocentrique et héliocentrique qui ne heurtait pas l’Eglise.
Galilée, à la recherche farouche de la confrontation des idées
Galileo-Galilei, lui, n’a pas cherché la conciliation !
Totalement convaincu de la justesse des idées de Copernic confirmée par ses propres observations, fort de soutiens considérables y compris ecclésiastiques, il a cherché par la confrontation des arguments à obtenir de l’Eglise qu’elle renonça purement et simplement au dogme du géocentrisme.
Il s’est exprimé en Italien pour un large public. Il pouvait certes s’appuyer en partie sur les travaux de Tycho Brahé mais aussi sur ses propres observations utilisant pour la première fois dans l’histoire une lunette astronomique, qu’il mit au point et permettait un grossissement de 30 fois, ce qui était révolutionnaire pour l’époque !
Galilée s’est volontairement livré à un bras de fer dans un rapport de force dont il pensait sortir vainqueur grâce à la pertinence des idées et à ses soutiens.
Mais tel ne fut pas le cas…
Galilée, condamné pour hérésie
Malgré ses puissants soutiens au sein de l’Etat de Florence et du Vatican, Galilée sera condamné une première fois en 1616 à ne plus défendre l’héliocentrisme (c’est alors que l’ouvrage de Copernic finira par être mis à l’index…). Puis, après parution d’un nouvel ouvrage en 1632 (Dialogue sur les deux grands systèmes du Monde), il sera plus sévèrement condamné pour hérésie en 1633 par le tribunal de l’Inquisition (« le Saint Office »).
Seule l’abjuration lui permettra de sauver sa vie et la sanction retenue sera adoucie par le Pape en une peine de résidence surveillée.
Rappelons que le frère dominicain et philosophe, Giordano Bruno, qui défendait la thèse de « la pluralité des mondes », quant à lui, avait fini sa vie en 1600 sur un bûcher ! ( Pour être juste, rappelons aussi, que Michel Servet subit le même sort à Genève en 1553, pour d’autres raisons, mais dans un contexte protestant et sous l’égide de Jean Calvin…).
L’Eglise admettra la validité de l’héliocentrisme en 1757 mais Galilée ne sera réhabilité qu’en 1992 par Jean Paul II …
Les leçons de l’Histoire
De « l’Affaire Galilée » de précieux enseignements peuvent être tirés.
Le Siècle des Lumières et, en France, la Révolution et la République ont des racines qui remontent directement à la Renaissance.
En effet, les « Lumières » s’opposent à « l’obscurantisme », lui-même fruit d’une religion et surtout d’une Eglise « totalitaire » ou « intégriste ».
Cette religion, au lieu de se cantonner aux fins et à sauver les âmes, avait la prétention d’expliquer dogmatiquement le monde et de faire plier par la force tous ceux qui exprimaient une opinion divergente.
Historiquement, l’intégrisme n’est donc pas le monopole de l’Islamisme et celui-ci doit se réformer ou se combattre comme cela a été le cas avec l’église catholique. Ni plus ni moins. La religion musulmane doit accepter la laïcité pleinement.
Et la laïcité, – c’est le principal enseignement de « l’Affaire Galilée » – n’est pas seulement la nécessaire séparation des églises et de l’Etat, elle est surtout le principe qui permet la liberté de conscience et le primat de la raison sur les croyances.
Galilée.sp
Galilée.sp est donc fière du nom qu’elle s’est choisie.
La défense et la promotion du service public, ainsi que l’action publique ne peuvent se concevoir sans ces fondamentaux qui sont au cœur du Pacte Républicain.
C’était le sens de l’ouvrage écrit à deux mains par Catherine Gras alias Lucie des Monts et moi-même alias Léon Garibaldi en 2017 : « Pour une nouvelle philosophie de l’action publique – La fonction publique républicaine… » (Editeur Arnaud Franel, 2018).
Gilbert Deleuil
Préfet honoraire
Président du conseil d’administration
de Galilée.sp