La présidence des Etats Unis est à nouveau disputée entre « démocrates » et « républicains ».
En France, le commun des mortels ne s’attarde guère sur la distinction entre les termes : « démocratie » et « république » …
Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, il apparaît clairement que, dans notre tradition, la République occupe une place particulière.
Essayons donc d’y voir plus clair en se référant à Régis Debray qui, en 1989, opposait la notion française de République, qui repose sur des valeurs, à la notion de démocratie qui est surtout un mode technique de désignation des instances politiques.
La démocratie ou le primat de la liberté
Conformément à son étymologie grecque, le concept de Démocratie désigne tout système politique dans lequel le peuple est reconnu « souverain » au travers de l’élection de ses représentants au suffrage universel (direct ou indirect) ou de « référendums » librement organisés.
La démocratie est un mode de gouvernement par le peuple directement (démocratie directe) ou, beaucoup plus fréquemment, par la nation (démocratie représentative).
La définition donnée par Abraham Lincoln : « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » n’est pas tout à fait conforme à notre conception et caractériserait pour nous plutôt le concept de République (elle est d’ailleurs reprise comme telle à l’article 2 de la Constitution de 1958) … Elle combine notre conception de la démocratie et, en partie, de la république.
Une monarchie constitutionnelle, comme nous en connaissons en Europe, peut être démocratique puisque le véritable pouvoir souverain y réside dans le peuple (Angleterre, Espagne, Norvège …).
La démocratie « sacralise » la valeur de liberté, publique et individuelle. La liberté lui est nécessaire, consubstantielle (et c’est tout à fait considérable !) : liberté des élections, liberté d’expression, liberté de la presse … La marche vers la démocratie est étroitement liée au développement du « libéralisme », accompagné de l’abolition, laborieuse, des discriminations politiques fondées sur la religion, l’argent, la race ou le sexe. C’est pourquoi les démocraties « dites populaires », ou les démocraties « dites islamistes » n’ont en réalité rien de démocratique…
La République, une démocratie exigeante.
Etymologiquement, le mot « république » provient du latin « res-publica », signifiant la chose publique, le bien public… En France et depuis la première République de 1792 (21 septembre), le concept de République est utilisé en opposition à celui de Monarchie et peut, d’abord, se définir, de même que la Démocratie, comme un mode de gouvernement dans lequel la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce directement (référendum) ou indirectement par des représentants élus (au suffrage universel direct ou indirect, censitaire ou pas). La conception française de la République est démocratique. Mais n’oublions pas que, par exemple, Venise ou Gênes étaient des républiques aristocratiques et que les républiques populaires d’Europe de l’Est n’étaient pas démocratiques, au sens occidental du terme tout au moins… Pour paraphraser Abraham Lincoln et reprendre l’article 2 de notre Constitution, c’est donc « le gouvernement du peuple (pouvoir), par le peuple (le souverain) et pour le peuple (intérêt général) ». Comme rien n’est simple, Lincoln appliquait cette définition à la Démocratie tandis que notre Constitution l’applique à la République…
Mais qu’en est-il de l’égalité ? Avec Alexis de Tocqueville, on peut considérer qu’en démocratie, dans notre conception occidentale, où prime la notion de « liberté », le suffrage universel induit par lui-même un mouvement vers « l’égalité » … Pour se faire élire et réélire les gouvernants se doivent de présenter, même à leur corps défendant, des programmes politiques favorables au peuple, au corps électoral.
La République française se définit avant tout par ses valeurs fondamentales exprimées par sa devise : « liberté, égalité, fraternité », auxquelles on peut rajouter la « solidarité » et la « laïcité » (principe érigé en valeur …).
Ces valeurs sont déclinées dans des principes figurant dans des textes fondamentaux à portée juridique : « Constitution de 1958 », « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 », « Préambule de la constitution de 1946 » et « Charte de l’environnement de 2004 », faisant partie du « bloc de constitutionalité », auxquels s’ajoutent « les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».
Elle se définit aussi comme indivisible (ni confédération ni fédération, mais décentralisée), laïque (principe constitutionnel et principe fondamental découlant, notamment, des lois de 1881-1882 sur l’école publique obligatoire et laïque et de la loi de 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat), démocratique (cf. supra) et sociale (cf. notamment Préambule de la constitution de 1946).
Sans l’indivisibilité du territoire, le peuple ne serait pas souverain et ne pourrait pas exprimer sa volonté générale (problème de la construction européenne…). Sans laïcité, le peuple ne pourrait pas non plus être souverain puisque c’est la loi divine qui s’imposerait (théocratie, monarchie de droit divin…); il se retrouverait divisé en communautés de croyants et de non croyants ; le citoyen ne pourrait pas exercer son libre arbitre et sa raison (sans laïcité pas de progrès de l’esprit, des arts, de la science et des industries !). Sans démocratie, la France n’est plus une République (Vichy). Les valeurs d’égalité et de fraternité déclinées dans nos principes constitutionnels consacrent l’Etat-providence, c’est la « République sociale ». L’écologie, elle-même, est une nouvelle valeur récemment intégrée à notre Constitution. Notre République est donc indivisible, laïque, démocratique, sociale et écologique !…
Pour finir, avec un fond commun (Siècle des Lumières) mais des détours historiques différents, les démocraties occidentales et la République française partagent aujourd’hui un très grand nombre de valeurs et de principes …
Mais, on peut aisément voir que le concept français de république est beaucoup plus large et qu’il intègre celui de démocratie en le dépassant. Il va aussi plus loin ! C’est pour cela que nous devons tant chérir et défendre la République !
Gilbert Deleuil
Président du conseil d’administration
Galilée.sp