Billet d’humEur ? Billet d’humOur…
Du passé « simple »… au futur… incertain…
Cette période troublée, inédite, spéciale, chaotique, horrifique, cataclysmique, que nous venons de vivre – et que nous vivons encore à l’heure où j’écris ces lignes -, donne l’occasion de redécouvrir l’art de la conjugaison, qui, selon le CNTRL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), permet « [d’] énoncer en les assemblant dans un ordre déterminé selon un paradigme les formes flexionnelles des temps simples ou composés des différents modes ». Belle formule toute simple… qui m’a donné envie de repartir à la découverte de l’univers merveilleux des modes et des temps…
Un temps pour tout…
Le passé (généralités)
… N’est simple que dans ce temps de la conjugaison…. Car à y regarder de plus près, le passé simple, appelé « prétérit » dans d’autres langues est rarement utilisé dans la nôtre … Y aurait-il là matière à réflexion sur notre façon « d’être au monde » en tant que français ?
En fait, ce « passé simple » serait plutôt « un passé composé », composé d’éléments et d’évènements qui touchent à nos vies individuelles et collectives, évènements joyeux, dramatiques, ou cathartiques… Un passé composé de beaucoup… d’imparfait et souvent décomposé ou recomposé selon les visions que certains ont de l’Histoire…
Ah, l’imparfait !
Ce temps invite à regarder dans le rétroviseur pour faire le point sur ce qui n’a pas « fonctionné » dans le passé, mais il permet aussi de prolonger l’action, d’initier des histoires, de construire des contes et des récits : « il était une fois »… J’avoue avoir une affection particulière pour ce temps qui, à sa façon, nous rappelle notre humaine condition…
Quid du plus-que-parfait ?
Tout d’abord, son nom sonne comme un temps qui se prendrait très au sérieux, mais après examen attentif, il indique simplement que l’action passée est vraiment achevée, parachevée, menée à son terme, d’où l’adjectif « parfait »…
Présent !
Drôle de temps qui, comme dans la chanson « plaisir d’amour », ne dure qu’un instant… Le présent, temps de « l’ici et maintenant », temps dit de l’action et de la réalité, est éphémère, et c’est là son moindre paradoxe… Car au moment où j’écris ces lignes et où vous les lisez, le présent appartient déjà au passé….
C’est impératif !
Voilà un mode qui n’y va pas par 4 chemins ! Pensons aux paroles d’un célèbre chant révolutionnaire : « du passé, faisons table rase »… C’est le mode de l’ordre, de l’injonction à tous les étages, à tous les états d’être ou du faire… C’est un mode qui, si l’on n’y prend pas garde, au lieu de responsabiliser, risque d’infantiliser…. Si on inventait une variante à ce mode, ce pourrait être « l’injonctif », qui n’existe pas en tant que tel, mais qui, sous forme de phrase injonctive, peut aboutir à ce qu’il faut bien appeler des injonctions paradoxales du style « restez chez vous, mais allez voter ! ».
C’était il n’y a pas si longtemps… Dans le « monde d’avant ».
Les auxiliaires à la rescousse !
Cette pandémie de Covid-19 aura montré à quel point les «sans grades », les « invisibles » pouvaient tout à coup devenir non seulement utiles, mais nécessaires. Pour la conjugaison, c’est un peu la même chose avec les auxiliaires, ces petits verbes de rien du tout qui vous changent un temps… en un rien de temps ! Sans eux, pas de passé composé, de plus-que- parfait, de futur antérieur ni de subjonctif passé.
Encore eût-il fallu que je l’eusse su !
Le conditionnel : un temps pour rêver…
Refrain bien connu : « avec des si, on mettrait Paris en bouteille », et l’on pourrait alors ajouter : » si on avait suivi les prescriptions d’un certain épidémiologiste marseillais, on serait déjà débarrassés du virus ».
Retour vers le futur…
Prenant appui sur les constats « présents », il semble plus que probable que le futur ne sera pas simple, mais qu’il sera encore plus INCERTAIN que…. par le passé ! Et je ne résiste pas plus longtemps à la tentation de livrer ici l’une des pensées les plus profondes jamais édictées par André Isaac, plus connu sous le nom de Pierre Dac, en matière d’avenir : « La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ».
Un futur ambigu : le futur antérieur
Attention à l’ambivalence du futur antérieur : à une phrase telle que « quand on en aura fini avec le corona virus, on reprendra la vie comme avant… », préfèrons-lui plutôt celle-ci : « on sortira de la pandémie quand on aura trouvé un vaccin », en étant conscients toutefois du caractère aléatoire d’une telle allégation vu le côté particulièrement retors de ce fichu virus !!
Alors, un temps pour rien ?
Cette pandémie est-elle, comme on dit en musique un « temps pour rien » ? Rien n’interdit de penser qu’elle a été (elle aura été/elle devrait être) l’occasion de reprendre pied dans la réalité pour engager notre responsabilité vis-à-vis des générations présentes et à venir : « La responsabilité n’est plus ce qu’elle était. Elle se rapportait à un passé, à l’irréversible, dans le cadre de la responsabilité pénale et morale. Or voici qu’elle se retourne vers le futur et l’imprévisible. Mais peut-on être responsable du futur, de l’imprévisible ? Ce changement de paradigme est terrible. Aujourd’hui, nous découvrons que nous pouvons faire du mal aux générations futures sans qu’elles ne puissent, elles, nous en faire. Le pacte politique est donc rompu, et cela fragilise le politique et le sentiment démocratique ».(extrait d’une chronique d’Olivier Abel parue dans la croix du 11/06/20)
Il est temps, c’est impératif !
Oui, il est temps d’inventer d’autres temps et sans doute d’autres modes… d’action pour retisser nos liens, refaire société, passer au « monde d’après » qui est déjà là et qu’il faut construire !
Anne-Marie Perret
Responsable de la Communication
Galilée.sp