Vous n’en voudrez pas à Lucie de se citer puisque le propos des Chroniques de Galilée.sp est précisément de confronter la philosophie pratique de Lucie et Léon à la réalité changeante qui, forcément, interpelle.
Qu’avons-nous écrit en 2017, en introduction et en conclusion de l’ouvrage Pour une nouvelle philosophie de l’action publique ?
C’est dans la veine fructueuse de la pensée du tiers que nous avons cherché à ressourcer la pensée de l’action publique. (Page 11).
Ce n’est ni en jouant sur les peurs des citoyens entre eux ou sur les peurs vis-à-vis des étrangers, ni en attaquant le système public à travers des ratios comparatifs, financièrement et idéologiquement orientés, que notre système se réformera.
Par rapport à deux extrêmes agressifs, la République a sa Voie, celle du Milieu : Liberté, Egalité, Fraternité dans un espace public laïc. C’est précisément là qu’il faut remettre la République en travail pour redessiner, tous ensemble, l’Etat et en faire ce dont nous avons besoin pour grandir collectivement.
Nous sommes, en France et au niveau mondial, en train de changer de modèle. Les prises de conscience sont de plus en plus nombreuses. Cela active des peurs mais il est possible de ne pas en rester là et, collectivement et localement, de nous regarder en face et de nous écouter, de faire des choix et de prendre des décisions pour consolider ce à quoi nous tenons, pour poser de nouvelles règles du jeu collectif, pour déverrouiller les citadelles et les tours d’ivoire, pour faire entrer du neuf en renonçant au périmé et au dangereux.
Cela ne se fera pas avec les méthodes anciennes car les femmes et les hommes ont évolué, vivent avec leur temps et ont envie d’autre chose.
Le XXème siècle a été celui d’un matérialisme triomphant, mettant l’argent, la possession et la société de consommation au cœur des rapports humains. Cela a permis une forme de « libération » après des millénaires d’histoire où les peurs étaient celles des famines, des épidémies et des guerres. Les sociétés occidentales, la France et l’Europe ont vécu les cinquante dernières années sans guerre sur leurs territoires ou sans famine et en pouvant contenir assez rapidement les épidémies.
Ce matérialisme est allé trop loin car il a oublié que chacun possède une âme : « Chacun perçoit en lui-même – peu importe son degré d’intelligence, peu importe l’état de son esprit – un chant natif qui l’accompagne sans interruption, même si tant de fois, assourdi par le bruit du monde, il ne l’entend plus lui-même. (…) Apprenons à entendre la basse continue ponctuant le chant natif qui est en nous, qui gît au tréfonds de l’âme. (…) Cette âme capable de résonner avec l’Âme universelle, peut nous étonner par sa vastitude insoupçonnée. (…) « Savoir qu’on a une âme ou l’ignorer, cela ne revient pas au même. » François Cheng, de l’Académie française.
C’est là que nous retrouvons la vision attribuée à André Malraux selon laquelle « le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. »
La République va se réinventer, y trouver sa nouvelle forme et c’est là que nous avons à construire, tous ensemble. (Page 208).
Aujourd’hui, l’homme est au milieu de la nature
Boris Cyrulnik, un de nos grands neuropsychiatre qui a le talent d’être aussi un pédagogue et un vulgarisateur, vient de publier Des âmes et des saisons. Je ne peux que vous en recommander la lecture tant ce livre est passionnant et bouscule nos manières de nous représenter nos vies, nos évolutions biologiques-psychologiques-sociales-économiques-et-culturelles, nos pensées, nos émotions, nos liens les uns avec les autres et nos places respectives.
Documenté, expliqué, accessible, ce livre nous met devant les yeux les connaissances les plus actuelles nous permettant de comprendre comment les animaux, les individus (enfants, femmes, hommes) s’adaptent et se développent et comment les rapports sociaux et l’histoire humaine se tissent. Nous ne pouvons plus l’ignorer : L’homme n’est pas séparable de son environnement dont son corps est un carrefour. Son âme aussi est à la croisée des contraintes (Page 23). L’esprit des humains organise le milieu qui sculpte le corps et l’âme de ceux qui y vivent (Page 87). Le cerveau est un organe de la relation (Page 88).
La représentation simplifiée qui oppose deux pôles et conflictualise la vie des humains ensemble, que Lucie et Léon dénonçaient, trouve d’une certaine manière un allié de poids avec Boris Cyrulnik : « La pensée binaire est une pensée paresseuse qui s’impose à nous tant elle est logique : le jour s’oppose à la nuit, la droite à la gauche, le corps à l’esprit et le masculin au féminin. (…) Cette pensée binaire se connote très vite d’une signification morale : le haut est supérieur au bas, le devant est plus noble que le derrière, le dedans plus intelligent que le dehors. (…) (Page 40). Cette rationalisation nous donne l’illusion de comprendre le monde et de pouvoir agir sur lui, ce qui est sécurisant (Page 56).
La voie préconisée par Galilée.sp reste plus que jamais une voie du milieu et peut s’appuyer avec joie sur des éléments de la conclusion de l’ouvrage de Boris Cyrulnik.
« Notre culture a perdu la boussole, nous naviguons à vue, bousculés par les événements, errant là où le vent nous porte. Il nous faut prendre un cap, une nouvelle direction, car nous venons de comprendre à l’occasion de la pandémie qui vient de frapper la planète que l’homme n’est pas au-dessus de la nature, n’est pas supérieur aux animaux, il est dans la nature. La domination, qui a été une adaptation pour survivre, aujourd’hui ne produit que du malheur ». (Page 295).
Catherine Gras
Présidente du Conseil d’orientation de Galilée.sp
et alias Lucie des Monts