Par Paul-Hubert des MESNARDS, ingénieur et pianiste, membre du Collectif Galilée.sp
Une double interpellation
J’ai été vraiment frappé ces derniers temps par deux sources d’information qui résonnent fortement avec les évènements politiques récents (et encore en cours).
En premier lieu, la lecture de la « Conversation avec Laurent Berger » dans LA CROIX l’Hebdo du 8 novembre dernier. Laurent Berger a quitté la CFDT pour piloter le transition écologique et sociale au Crédit Mutuel. En voici deux extraits :
« … Nous sommes incapables de sortir d’une vision binaire du débat. Nous refusons d’endosser la complexité et la nuance, préférant disqualifier l’adversaire plutôt que d’avancer sur des terrains communs. Et ça, c’est mortifère pour la démocratie … »
Et plus loin :
« … Tout est polarisé. L’adversaire est systématiquement disqualifié. J’ai la philosophie inverse. Je garde des liens avec des interlocuteurs avec lesquels j’ai bataillé, comme l’ancien patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. Nos divergences ne nous empêchent pas de discuter … » NDLR : Laurent Berger et Geoffroy Roux de Bézieux coprésident le « Lab des dialogues », créé par le cabinet de conseil Catalys, pour « mettre le dialogue au cœur des transformations dans les entreprises et le monde du travail »
Et puis j’ai découvert « Faut qu’on parle », une expérience initiée en octobre dernier conjointement par le media en ligne BRUT et LA CROIX, expérience qui vient d’Allemagne et qui consiste à faire se rencontrer en tête à tête des personnes aux opinions différentes, sans chercher à convaincre, juste pour s’écouter et apprendre à se connaître. Créée en 2017 par le journal allemand ZEIT ONLINE sous le nom de My Country Talks, cette initiative a rassemblé, depuis, près de 300 000 participants dans plus d’une centaine de pays. En France, plus de 6300 personnes ont participé à la 1ère édition, fin 2024. Le processus en est décrit dans le site www.fautquonparle.org.
Les résultats sont éloquents : 80% des participants sont très heureux de la discussion, 60% restent en contact, 90% veulent participer à nouveau, et surtout la polarisation affective (c’est-à-dire les sentiments négatifs à l’égard de ceux qui sont perçus comme le camp adverse) diminue de 77%. (Sources : étude d’impact Blattner-Koener de Stanford et Harvard de juillet 2023 et données My Country talks sur plus de 200 000 participants)
Alors, que peut-on en tirer comme conclusions ?
D’abord un constat sévère, déjà présenté par Laurent Berger, et confirmé par des chiffres : 77% des Français pensent que la société est divisée et plus de la moitié déclarent que les différences entre eux sont trop importantes pour continuer à avancer ensemble (données Destin Commun août 2024).
Et pourtant, il y a de l’espoir, comme en témoigne Laurent Berger, et comme le montrent les résultats de l’expérience « Faut qu’on parle ».
Mais ça na va pas de soi ! Le processus, tel que décrit dans le site de « Faut qu’on parle »., est exigeant, et il repose sur une méthode pas à pas et des règles à respecter. Et parmi ces règles, j’ai retrouvé des consignes données pour le déroulement des fameux Laboratoires Incubateurs d’Idées, les LIIs, pratiqués et promus par Galilée.sp ! En particulier : Écouter, Dire Je, Ne pas juger, Respecter l’autre.
Un vrai dialogue est donc possible, pour « avancer sur des terrains communs », comme dit Laurent Berger. En se rappelant que : « Ecouter n’est pas approuver, Respecter n’est pas flatter, Compromis n’est pas compromission ». Dans un prochain article, je pourrai apporter des témoignages sur des expériences vécues.