Si l’on fait abstraction de la guerre dans l’ex-Yougoslavie cela fait près de 80 ans que l’Europe n’avait pas connu un conflit de l’ampleur de celui que représente l’invasion actuelle de l’Ukraine par la Russie.
Sans refaire ici l’histoire de ces deux pays, au demeurant complexe et fort intéressante, l’Ukraine est un Etat indépendant et membre de l’ONU. Cette intervention est donc une véritable agression d’un Etat souverain, contraire au droit international et en tant que tel éminemment condamnable.
Certes l’Occident, au travers de l’OTAN notamment, n’a pas toujours paru donner le meilleur exemple. Mais on peut considérer qu’il y avait une certaine légitimité dans diverses interventions à la limite du droit international. Les buts et les motivations paraissaient nobles et pouvaient apporter des éléments de justification acceptables. Pensons à l’Irak (probablement la moins légitime), la Syrie, la Libye, la guerre du Kosovo…
Mais ce que nous voyons actuellement, sous nos yeux éberlués, c’est la manifestation sans complexe par un régime autocratique d’une volonté d’impérialisme et de colonisation voire d’annexion d’un autre pays. Sans considération pour la souveraineté nationale, l’autodétermination des peuples et dans un bain de sang !
Mégalomanie, paranoïa, cynisme d’un autocrate et usage de la force brute pour assouvir une volonté nationaliste de puissance : c’est un retour aux heures les plus sombres de notre Histoire !
Trois réflexions me viennent à l’esprit.
Première réflexion :
passons sur le fait que la Russie, de manière significative, ne se définit plus comme une République contrairement à l’Ukraine… Mais si une démocratie ou une république ne sont pas toujours pacifiques, on voit à nouveau qu’une dictature est toujours belliqueuse. Elle a besoin de justifier son existence et son caractère autocratique par la fabrication d’ennemis. Il y a un continuum entre le nationalisme, la dictature et la guerre. C’est le problème de l’Extrême droite (voir comment ses dirigeants se pressaient à Moscou pour « baiser les babouches » du Président russe ! …). Et, s’il en était besoin, on constate une nouvelle fois que, bizarrement, nos nationalistes ne sont guère patriotes !
Deuxième réflexion :
le risque des conséquences d’une détérioration du climat de la planète n’est rien à côté des ravages d’une possible utilisation des armes de destruction massive ! Nous ne serons jamais à l’abri qu’un fou appuie sur le bouton !!! La diplomatie de la Paix et l’extension du périmètre international de la République et de la Démocratie restent donc une nécessité (même s’il faut savoir rester pragmatique…).
Troisième réflexion :
la République et la démocratie sont fragiles ! Il faut les défendre, y compris militairement. Une hausse substantielle de nos dépenses militaires et plus largement de toutes celles qui sont liées au régalien (diplomatie, sécurité intérieure, justice) devient la priorité absolue.
En France, les prélèvements obligatoires représentent près de 55 % du PIB, un des niveaux les plus élevés au Monde ! Mais, dans le même temps, sur une longue période (abstraction faite de ces dernières années…) les dépenses publiques consacrées aux politiques régaliennes ont été chichement mesurées. La Justice est en état de délabrement avancé, les effectifs de police et de gendarmerie ne paraissent toujours pas suffisants, la Diplomatie gère la pénurie, les dépenses militaires ne sont plus à un niveau acceptable pour faire face aux menaces réelles du monde contemporain.
En 2017 avec Catherine Gras nous avions publié un ouvrage aux éditions Arnaud Franel, « Pour une nouvelle philosophie de l’action publique ». C’était un plaidoyer de hauts fonctionnaires-citoyens pour une République davantage consciente des enjeux de sécurité interne et externe et pour un redéploiement des moyens budgétaires en faveur des politiques publiques régaliennes (dont, à certains égards, je considère personnellement que l’Education nationale fait partie…).
Certes la République française est laïque, écologique et sociale, et nous en sommes heureux et fiers, mais elle doit aussi investir dans les conditions de sa survie et la promotion de ses valeurs universalistes !
Gilbert Deleuil
Préfet honoraire
Président du conseil d’administration
Galilée.sp