Ci-après le document d’orientation élaboré par José Razafindranaly, membre de Galilée.sp, et adressé à Monsieur Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics en novembre 2017.
10 / 11 / 2017
DOCUMENT D’ORIENTATION
Galilée.sp est conscient que l’Etat, dont la disparition est moins que jamais à l’ordre du jour, doit s’adapter aux défis économiques, environnementaux, sécuritaires, sociaux, technologiques et financiers du monde contemporain.
Le « service public » doit donc plus que jamais démontrer sa capacité d’adaptation et de mutation, apporter au jour le jour la preuve de son utilité sociale et montrer qu’il est avant tout un « service au public ».
Il ne peut y avoir de réforme ambitieuse sans une interrogation sur les missions, l’organisation et le fonctionnement de l’Etat. Nous savons qu’ils doivent être revisités et que l’administration et la fonction publique continueront à connaître le changement.
Galilée.sp, tirant les leçons des grandes réformes précédentes (RGPP, MAP…), estime que le processus de réforme actuel ne pourra pleinement réussir que s’il est conduit de manière « humaniste », c’est-à-dire qu’il place le soin à apporter aux fonctionnaires et aux citoyens au cœur de l’ingénierie de la réforme.
1/ ACCOMPAGNER LE CHANGEMENT
Galilée.sp a été pionnier et a l’expérience d’outils et de méthodes d’accompagnement du changement qui permettront l’avènement d’une« administration co-active », c’est-à-dire agile, au service des citoyens en agissant avec eux.
LE COACHING
- Un cadre interministériel a valorisé le coaching : la DGAFP soutient l’accompagnement managérial (dont le coaching). Deux brochures bien documentées sont disponibles et connues des services RH (services centraux et plateformes RH en régions).
- Un cursus de haut niveau (CATOP – « coaching et accompagnement de la transformation des organisations publiques »), mis en place avec le soutien de Galilée.sp à l’Université Paris-Dauphine à l’initiative d’administrations publiques (Etat, Hôpitaux et Collectivités territoriales), permet de former des coachs internes et externes spécialisés.
- Des pôles de coaching interne existent maintenant. Ils sont une force d’intervention prête à accompagner des personnes, des équipes et des organisations en transformation. Il reste à les organiser en réseau et à créer des pôles de coaching et accompagnement dans les organisations publiques qui n’en ont pas encore.
- Ils travailleront, en même temps, aux transformations internes des administrations et à leur ouverture vers les citoyens en les associant directement.
LES LABORATOIRES INCUBATEURS D’IDÉES
- Dans un format court de 3 heures, un groupe de six à douze personnes volontaires venant de milieux diversifiés (dont citoyens et usagers) est animé par une personne formée aux méthodes de créativité.
- Ce groupe, dans un climat bienveillant et dynamique, élabore des solutions concrètes à une problématique posée au départ (problématique managériale, nouvelles idées de service ou d’organisation, expérimenter une nouvelle façon de travailler).
- Galilée.sp, dépositaire de la démarche, peut organiser des sessions de découverte de la méthode (1H30), des Laboratoires Incubateurs d’Idées (3H) et des sessions de formation d’animateurs de L.I.I. (2 jours). En effet, Galilée.sp a un premier vivier d’animateurs formés.
LE TRAVAIL EN RÉSEAU
- Galilée.sp promeut le travail en réseau par ses partenariats, avec ses UPR (Unité partenariale de recherche) et fonctionne comme un laboratoire d’innovation ouverte.
- Galilée.sp, qui s’est déjà engagé, est prêt à participer à la création d’un Laboratoire d’Innovation Ouverte au Ministère de l’Economie et des Finances, piloté dans un esprit intrapreneurial et à soutenir, en réseau, la création de tels lieux dans d’autres administrations.
2/ DES PROJETS COLLECTIFS, INTERNES ET GRAND PUBLIC, POUR PROMOUVOIR UNE CULTURE RÉPUBLICAINE DE L’INTERET GENERAL A UN MOMENT OU ELLE EST EXPOSÉE AU RISQUE DU DOUTE.
LE VIVIER DES TALENTS SENIORS
- Les seniors de haut niveau « sans affection » sont légion dans les administrations centrales des ministères : situation honteuse et gâchis inadmissible alors que les besoins de service à la population sont criants.
- Créer un cabinet interne de ressources et de talents seniors est possible. Cela n’entraîne pas de coût (locaux disponibles, logistique prise sur la masse, fichier nominatifs existants).
- Des méthodes de travail innovantes seraient mises en œuvre en interne (bilans simplifiés de compétences et auto-évaluations, coaching de type haut-potentiel) avec l’organisation d’une task-force sous forme d’une offre de service de projection sur des missions prioritaires pour les politiques publiques et les citoyens (contrats limités dans le temps et formalisés sans formalisme, animation d’équipe pour partager en continu les innovations détectées sur les territoires de mission, analyse de la valeur).
REENGAGER FONCTIONNAIRES ET CITOYENS AVEC DES RITUELS RÉPUBLICAINS NOUVEAUX
Les valeurs du service public doivent être incarnées. L’engagement de service public et l’engagement citoyen ont besoin d’être « reboostés » et « ré-enchantés » pour faire naître une société démocratique de bienveillance et de confiance.
Dans cette intention, des mesures à forte valeur symbolique mériteraient d’être prises sous forme de rituels simples lors d’étapes civiques marquantes comme :
- La signature d’une charte d’engagement des fonctionnaires (de tout niveau) au moment de leur recrutement, qui se ferait lors d’une « fête collective » organisée dans la mairie, la sous-préfecture ou préfecture de leur domicile,
- La valorisation du moment important que représente l’acquisition de la nationalité française (hors naissance) dans les mêmes conditions,
- La délivrance de la première carte d’électeur (idem)*
- Les prises de poste des fonctionnaires mutés (à tous niveaux et pas uniquement celui des cadres supérieurs)
Ces cérémonies festives auraient lieu dans le bassin de vie des personnes pour leur permettre de se rencontrer (à tous niveaux et sans distinction de statut) et seraient relayées sur les réseaux sociaux.
« HUMANITÉS, SCIENCES SOCIALES ET DU VIVANT » : PERMETTRE AUX FONCTIONNAIRES EN FORMATION DE S’Y RESSOURCER
- Dans chaque Ecole ou institut de formation supérieur de la fonction publique, créer un pôle « humanités, sciences sociales et du vivant ».
- Cette mesure s’inspire de la « bonne pratique » de l’Ecole Polytechnique (enseignements de philosophie) ; elle contribuerait au « désenclavement intellectuel de la fonction publique » et à la mettre en symbiose avec les découvertes scientifiques d’aujourd’hui et la réflexion sur le sens. Elle concernerait au premier chef la trentaine d’établissements du Réseau des Ecoles du Service Public (RESP ).
LES JARDINS PHILOSOPHIQUES
- Alors que les parcs « grands public » sont des parcs d’attraction renommés autour des héros de bandes dessinées, l’idée promue par Galilée.sp est de créer un réseau européen de « Jardins Philosophiques » dont la fréquentation serait intéressante pour le public de 3 ans à 103 ans. Vulcania, le Futuroscope ou Le Puy du Fou sont des sources d’inspiration en vue d’une transposition au domaine philosophique et des sciences humaines.
- Des centres de recherche et de formation s’articuleraient au projet, à la fois pour sa conception et son animation. Les enseignants de philosophie et de lettres notamment auraient toute leur place pour devenir acteur et les élèves et étudiants, aussi.
- Un partenariat public-privé aurait toute sa légitimité et le soutien par les fonds européen serait emblématique d’une autre dimension de l’Europe.
3/ UN CONCEPT EUROPEEN NOVATEUR : LA « BONNE ADMINISTRATION » …
Il apparaît aux articles 41 et 43 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, peut être source d’inspiration pour notre pays en servant de perspective à la politique de transformation en cours.
Les usagers-citoyens ont droit à une « bonne administration » et à faire appel à une instance tierce en cas de « mauvaise administration ». Cette « bonne administration » implique :
- Qu’en termes de valeurs, elle soit « impartiale », « équitable », « diligente », « transparente », « participative », « prospective », « responsable » et « exemplaire ».
- Qu’en termes pratiques elle soit : « intelligible » sur son mandat ce qui implique la clarté, « judicieuse » dans ses diagnostics, « pédagogique » sur ses objectifs, « comptable de ses résultats », « accueillante et ouverte ».
- Que ses agents « accueillent », « informent », « forment » et « conseillent », autant qu’ils « vérifient », « contrôlent », « corrigent » et « améliorent »
- Que des évaluations institutionnelles à 360 degrés, pluralistes, transparentes et indépendantes soient menées régulièrement.
Ceci induit :
- Une exemplarité sans faille des cadres et des représentants des personnels (« alignement intérieur » personnel et professionnel)
- La qualité des relations sociales et du dialogue social
- La qualité du management et de l’encadrement
- L’existence d’une organisation apprenante qui sait susciter, exploiter et valoriser les initiatives et les conduites d’innovation
- Le passage d’une déontologie fondée sur la peur qui inhibe à une éthique de la confiance qui libère.
Quatre mesures contribueraient à forger ce nouvel état d’esprit :
UN CODE DE BONNE ADMINISTRATION ELABORE PAR LE DEFENSEUR DES DROITS
- En s’inspirant de l’exemple du médiateur européen, le défenseur des droits est légitime à élaborer et mettre à jour un « code de bonne administration ».
- Ce code à vocation pédagogique et pratique serait conçu et réalisé à partir des cas de « mauvaise administration » portés à la connaissance du Défenseur des droits.
- Cela permettrait de procéder à une déclinaison concrète de la « bonne administration » et faciliterait la compréhension et l’appropriation des six valeurs principielles légales de la fonction publique (dignité, impartialité, intégrité, probité, neutralité, laïcité – art. 25 de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) qui relèvent du « devoir-être » mais pas du « devoir-faire », et qui sont, de ce fait, exposées en pratique au risque de conflits incessants d’interprétation.
PROMOUVOIR L’AUTONOMIE, LA PRISE DE DECISION ET LA RESPONSABILITE DES CHEFS DE SERVICE ET EN MEME TEMPS UN « DROIT A L’ERREUR »
- Cette nouvelle autonomie concerne la prise de décision et la responsabilité, aussi bien au plan opérationnel que de la gestion des moyens humains et budgétaires.
- Dans cette marge nouvelle, un certain « droit à l’erreur » doit être reconnu.
- A cet effet, une directive-cadre de valeur règlementaire est nécessaire. Elle préciserait les principes, les règles, les conditions et les modalités de mise en œuvre de cette orientation, dans le respect des dispositions du décret portant « charte de la déconcentration » : déconcentration de la gestion des agents au niveau des régions, sauf pour les cadres supérieurs et dirigeants, systématisation des procédures de délégation.
UN CODE D’ETHIQUE ET DE DEONTOLOGIE DE L’EXERCICE DE L’AUTORITE HIERARCHIQUE DE LA FONCTION PUBLIQUE
- La direction des hommes et des femmes au travail mérite qu’on y consacre doigté, clarté, respect d’autrui, confiance et engagement personnel pour imprimer une marque de fabrique et redevenir source d’inspiration pour le travail de tous.
- L’élaboration d’un code de bonne conduite est nécessaire pour refonder l’image du service public aujourd’hui dégradée et redonner de la lisibilité à la multitude des agents de base et des cadres intermédiaires, qui se sentent « abandonnés » dans la tourmente des réformes incessantes qui se sont déjà succédées.
- La crédibilité de la transformation CAP 2022 doit pouvoir s’appuyer sur des équipes de direction bien sélectionnées, sachant diriger les hommes et pas seulement les dossiers, sachant incarner le service au public et pas seulement prendre la parole en public, sachant tenir le cap dans l’action quotidienne et en répondre avec responsabilité.
SOUMETTRE AUX MEMES EXIGENCES ETHIQUES LA DEMOCRATIE POLITIQUE ET LA DEMOCRATIE SOCIALE
- Malgré un taux de syndicalisation de près de 20% parmi les agents publics (2 fois plus que dans le secteur privé) et un taux de participation de 53% aux premières élections professionnelles générales de la fonction publique en 2014, et même si l’on ne dispose pas d’étude spécifique aux 5.200.000 agents publics, une certaine méfiance est manifestée à l’égard des syndicats.
- Dans le même temps le besoin de dialogue social, informel ou institutionnalisé, n’a jamais été aussi fort. La qualité du dialogue social conditionne la réussite de toute réforme.
- Le développement conjoint de ces deux formes de dialogue social passe par la consolidation démocratique des institutions syndicales représentatives.
- Cette consolidation pourrait notamment passer par l’édiction de règles déontologiques analogues à celles des élus politiques et des hauts fonctionnaires.