L’histoire presque centenaire d’une « agriculture permanente » devenue « culture permanente »
Les principes de la Permaculture commencèrent à être évoqués dans les travaux de quelques précurseurs à la fin des années 1920 et au début des années 1930 : Joseph Russell Smith, puis inspiré par ce dernier Toyohiko Kagaw. A partir des années 1960, d’autres initiatives se développèrent tant en Australie qu’au Japon.
À la fin des années 1960, Bill Mollison et David Holmgren ont commencé à développer des idées sur les systèmes agricoles, en opposition à des process industriels polluants et destructeurs de la biodiversité. En réponse aux dégâts occasionnés, ils publient en 1978 un premier livre qui conceptualise leur méthode : « Permaculture One ». Mollison poursuit ses travaux à partir d’expérimentations sur le terrain et publie en 1980 «Permaculture : A Designers Manual ».
Les conférences et les enseignements de Mollison, délivrés dans plus de 80 pays, ont assuré la diffusion de la Permaculture : les personnes formées deviennent elles-mêmes enseignants. Une formation officielle a vu le jour. L’effet multiplicateur s’est avéré particulièrement efficace.
Quelques propositions de définition de la Permaculture
Pour Bill Mollison l’un des co-fondateurs de la Permaculture : « La permaculture est une démarche de conception éthique visant à construire des habitats humains durables en imitant le fonctionnement de la nature [1]».
Kurt Forster, décrit la Permaculture comme « une méthode de planification et d’aménagement qui rend possible la survie sur terre en accord avec la nature [2]». Il en donne les trois principes d’aménagement les plus importants :
- « l’utilisation efficiente des ressources existantes,
- la diversité au lieu de l’unicité (la biodiversité),
- l’optimisation des liens croisés (mise en relation).
Il s’agit de résoudre les problèmes de façon créative ».
Pour Claire Véret – Horizon Permaculture[3], la Permaculture est avant tout « une invitation à agir concrètement et à apporter des solutions ». C’est une démarche de transition collective[4].
Au fondement de la Permaculture, elle pose « trois piliers :
- prendre la responsabilité de sa vie à la seconde où je le décide,
- faire partie de la solution, à chaque minute,
- réduire mes consommations énergétiques de manière heureuse ».
Wikipédia, l’encyclopédie collaborative en ligne, propose une approche très fournie sur ce thème : « La permaculture est une méthode systémique et globale qui vise à concevoir des systèmes (par exemple des habitats humains et des systèmes agricoles, mais cela peut être appliqué à n’importe quel système) en s’inspirant de l’écologie naturelle (biomimétisme ou écomimétisme) et de la tradition. Elle n’est pas une méthode figée mais un « mode d’action » qui prend en considération la biodiversité de chaque écosystème. Elle ambitionne une production agricole durable, très économe en énergie (autant en ce qui concerne le carburant que le travail manuel et mécanique) et respectueuse des êtres vivants et de leurs relations réciproques, tout en laissant à la nature « sauvage » le plus de place possible ».
Ces propositions de définition sont bien sûr non exhaustives car, les publications, les ouvrages en librairies, les articles sur Internet, les vidéos, sont très nombreux… La recherche en ligne est particulièrement fructueuse, elle est vivement conseillée.
Les trois principes éthiques en Permaculture
Claire Véret – Horizon Permaculture (déjà citée) formule l’éthique de la Permaculture : « prendre soin des humains, prendre soin de la nature et partager équitablement[5] ».
Elle développe les trois principes qui explicitent cette éthique :
- 1er principe éthique : Prendre soin de la terre. « Il s’agit dans chacune de nos actions de reconstituer nos sols et de soutenir la vie qui nous nourrit » ;
- 2ème principe éthique : Prendre soin de l’humain. « Pour cela, il faut commencer par s’occuper de soi-même car tant que je ne vais pas bien, je ne peux raisonnablement pas m’occuper de mon entourage. Il s’agit de se poser la question de ce qui m’anime et me met en joie et de m’y investir pleinement » ;
- 3ème principe éthique : partager équitablement. « Avoir un niveau de consommation qui ne compromet pas celui de sept milliards et demi d’humains sur la planète […] produire de l’abondance et la partager [6]».
Ces trois principes sont représentés dans une « fleur trilobée »[7]
Le troisième principe appelle à différentes formulations : « partage équitable » ou « limitation de la population et de la consommation », « redistribuer les surplus ». Il s’agit dans tous les cas d’un principe d’autorégulation qui invite à la réflexion sur l’étendue de nos besoins. Le philosophe Patrick Viveret montre avec brio comment la société de consommation s’appuie sur une vaste entreprise de manipulation (la publicité) dont l’effet est de nous faire confondre nos désirs et nos besoins[8].
Dans la formulation anglaise « Earth care, people care, fair share » malaisée à traduire en français, la troisième expression exprime synthétiquement qu’il s’agit de « prendre sa juste part ».
Qu’est-ce que le design en Permaculture ?
C’est la méthode de mise en œuvre de la Permaculture sur un site concret, choisi pour créer son projet mais la définition du projet reste essentielle. Tout part d’une observation très poussée de ce site particulier, pour interagir avec la nature et comprendre la gestion écologiques des sols voir leur régénération, le rôle de l’eau, des végétaux, des animaux et des énergies, notamment humaines (chaque effort doit être utile). Il faut mobiliser des connaissances en géologie, en topographie, en hydrologie, en botanique, en étude des sols, etc. À partir de cette réflexion reconduite tout au long du projet, les actions posées vont enrichir l’écosystème, le rendre plus résilient et plus productif, à même de satisfaire les besoins à long terme.
En design permaculturel on parle de synergies mises en œuvre, de motifs naturels, de bordures, on utilise le zonage et des secteurs, on liste les éléments et leurs interactions, etc.
Parfois, ce qu’on appelle design est le dessin ou le plan détaillé qui présente les éléments de cette conception permaculturelle. Ce peut être, par exemple, le plan d’une ferme. Plus concrètement encore, on pourra dire en constatant qu’une serre accotée à un poulailler ou à mur de pierre échappe au gel, même au cœur de l’hiver, que c’est un bon design[9]…
Exemple d’un design proposé par La forêt nourricière à retrouver sur leur site :
Et maintenant
Pour réaliser son projet en permaculture (ferme, potager en pleine terre, potager urbain, etc.) il faut se former. Les propositions de formation sont importantes et diversifiées dans leur modalité (initiation, MOOC, approfondissement, etc.) ; renseignez-vous sur les sites qui publient en ligne.
Certains permaculteurs à l’issue de leur formation sont devenus… formateurs. Il n’est pas aisé de trouver un lieu, de s’installer et de produire ! Pensez aussi à regarder du côté de l’agroforesterie, de l’agriculture en biodynamie, etc.
Mais la Permaculture, ses principes, sa méthodologie, ne se cantonne pas à la production alimentaire. Des innovateurs ont cherché à les appliquer aux entreprises. C’est le cas d’une entreprise proche de Grenoble, spécialisée dans la vente, la location et la maintenance d’équipements (pompes, compresseurs, groupes électrogènes, etc.)[10] respectant les trois principes de la permaculture.
Enfin, le lien entre économie et permaculture a été explorée par un chercheur Emmanuel Delanoy qui cherche à « réconcilier l’homme, la nature et l’économie ». Il a rédigé plusieurs ouvrages, dont l’un d’entre eux s’intitule la « permaéconomie [11] ».
Elisabeth Javelaud
[1] In Permaculture Design.fr Bureau d’étude Publié le 16 mars 2017
[2] In « La permaculture dans un petit jardin. Créer un jardin autosuffisant » Editions Ulmer 2014
[3] In L’université des colibris, faire sa part MOOC 2017
[4] Cf. le Mouvement de la transition
[5] In L’université des colibris, faire sa part MOOC 2017
[6] In L’université des colibris, faire sa part MOOC 2017
[7] In le site Horizon permaculture pour Fermes d’avenir agroécologie & permaculture
[8] In le site Horizon permaculture pour Fermes d’avenir agroécologie & permaculture
[9] In « La forêt nourricière » cours en permaculture
[10] Établissement André Cros basé à Échirolles
[11] Voir son site http://permaeconomie.fr/