Gilbert Deleuil, Président du Conseil d’administration, introduit un sujet de droit constitutionnel. Une fois n’est pas coutume !
« Hors de toute préoccupation partisane et avec Gilles Cohen-Tannoudji, nous nous interrogeons sur l’inversion du calendrier électoral : la présidentielle avant les législatives ou les législatives avant la présidentielle ? Notre think-tank est non partisan et nos propos sont une libre réflexion. Je vous invite à faire une expérience de pensée avec Gilles Cohen-Tannoudji.»
Gilles Cohen-Tannoudji entre dans le vif du sujet : « Il est certes impossible maintenant de changer le calendrier électoral et donc de changer les règles du jeu à quelques semaines de l’échéance. Mais pourquoi ne pas s’adresser à l’ensemble des candidats à la présidentielle et à la législative pour leur demander d’exprimer clairement, dans leur programme, leur position quant à la question si décisive du calendrier des élections présidentielle et législative ? »
Commençons par des chiffres !
Gilles Cohen-Tannoudji nous fait remarquer qu’en 2017, c’est la première fois que l’abstention dépasse 50% au premier tour des élections législatives. Il faut donc redonner du souffle aux enjeux des législatives au risque de voir les citoyens se détourner toujours plus du vote…
Abstention aux élections législatives
Gilles Cohen-Tannoudji nous présente sa proposition d’inversion du calendrier électoral pour les prochaines élections, celles de 2027 :
Une intense discussion s’en est suivie bien sûr, entre les participants à ce « petit-déjeuner »/débat !
En conclusion de cette discussion intense, Gilles Cohen-Tannoudji a partagé sa Tribune de janvier 2022.
La voici !
Il est encore temps de revenir à un calendrier électoral plus conforme à l’esprit et à la lettre de la constitution
Il y a cinq ans, nous pensions avoir touché le fond de la qualité des débats avant la présidentielle, mais aujourd’hui, tout nous porte à craindre que le débat de 2022 ne se révèle encore pire. Il a souvent été dit et écrit que la cause de la dégradation de la qualité de ces débats résidait dans le calendrier électoral qui fait précéder l’élection législative par l’élection présidentielle. Je le pense, et dans cette tribune, je voudrais montrer qu’il est peut-être encore temps de revenir, dès le printemps 2022, à un calendrier électoral plus conforme à l’esprit et à la lettre de la constitution.
Les dates des élections de 2022 sont maintenant fixées : 10 et 24 avril pour la présidentielle et 12 et 19 juin pour la législative. Je ne pense pas, mais je peux me tromper, qu’il soit nécessaire de réformer la constitution pour inverser ce calendrier, en tenant l’élection législative les 10 et 24 avril et la présidentielle les 12 et 19 juin, sans changer en quoi que ce soit les modes de scrutin de ces deux élections. Mais même si ce n’est pas possible d’un point de vue constitutionnel, faisons l’expérience de pensée qui consiste à imaginer quelles seraient les conséquences d’une telle inversion. Avec des législatives avant les présidentielles, il est évident que les forces politiques en compétition devraient mettre l’enjeu législatif au moins aussi haut que l’enjeu présidentiel : elles devraient adapter leurs stratégies à l’ensemble des deux enjeux. Inévitablement les deux tours de l’élection législative joueraient le rôle d’une sorte de primaire, au suffrage universel, pour l’élection présidentielle qui suivrait : au sein de chaque camp, elle départagerait les concurrents et permettrait d’éviter les candidatures de diversion. Pour assurer la cohérence entre les deux enjeux, on pourrait demander aux candidats et candidates à l’élection législative, d’inclure dans leur bulletin, un parrainage explicite à un candidat ou une candidate à l’élection présidentielle. On obtiendrait ainsi, dès le premier tour de la législative, grâce au suffrage universel, et non grâce aux sondages, une visibilité qui se préciserait encore au deuxième tour, des rapports de forces réels pour la présidentielle qui suivrait : on connaîtrait pour chaque candidat potentiel ou candidate potentielle, le nombre de parrainages dont il ou elle aurait bénéficié, ainsi que sur quelle majorité il ou elle pourrait s’appuyer pour former un gouvernement si lui ou elle remportait l’élection. Il appartiendrait aux forces politiques en compétition de tenir compte de cette visibilité pour décider de l’investiture du candidat ou de la candidate à la présidence de la république dans la semaine suivant le deuxième tour de la législative. Se tiendrait ensuite une campagne électorale de six semaines pour la présidentielle, où s’affronteraient ces personnalité démocratiquement investies dans des débats entièrement centrés sur les véritables enjeux de notre pays. Je ne vois pas en quoi un tel calendrier serait en contradiction avec l’esprit et la lettre de la constitution de la cinquième république, je pense au contraire que l’adopter serait une mesure très salutaire pour enrayer la montée, qui semble inexorable, du taux d’abstention aux élections décisives.
Qu’en pensent les partis représentés à l’Assemblée nationale ?
Gilles Cohen-Tannoudji,Un électeur qui ne s’est jamais abstenu lors des élections présidentielles et législatives de toute la cinquième république, mais qui commence à se demander s’il pourra s’en tenir à ce comportement en 2022.
Et en complément, sur le même sujet, dans le rétroviseur électoral…
2002 et la présidentielle à 4 tours : l’inversion du calendrier électoral
Les élections législatives de 2002 étrennent un nouveau calendrier électoral, issu d’une réforme poussée par Lionel Jospin, Premier ministre de cohabitation de 1997 à 2002. Ce calendrier électoral n’est pas décisif de par la date d’élection des parlementaires mais par son ordre : depuis 2002, les législatives ont lieu dans la foulée de l’élection présidentielle. C’est le cas cette année encore, avec un scrutin pour élire les députés les 11 et 18 juin, alors qu’Emmanuel Macron a été élu le 7 mai.
Cette modification du calendrier a un impact immense sur la vie électorale dans la mesure où elle instaure dans les faits ce qu’on a pu appeler “une élection à quatre tours”. Les troisième et quatrième tours étant les législatives, dans la foulée de la présidentielle. Si Lionel Jospin est à la manoeuvre pour faire passer cette réforme avant la présidentielle de 2002, c’est parce que le chef socialiste de la majorité se projette en vainqueur de la présidentielle de 2002. On sait que l’issue a été bien différente puisqu’il ne s’est même pas hissé au second tour, supplanté par Jean-Marie Le Pen au soir du 21 avril 2002.