La question du logement est cruciale pour les foyers modestes dans les zones dans lesquelles le marché immobilier est tendu, et tout particulièrement pour les personnels qui nous protègent : les forces de sécurité, ceux qui nous soignent : les personnels hospitaliers, ceux qui nous dispensent l’enseignement : les personnels scolaires. Et ce d’autant plus que les agents publics (fonctionnaires et agents non titulaires) ne disposent pas, contrairement au secteur privé, du système dit du 1% construction.
Or ces agents de catégorie modeste auxquels on demande beaucoup, ne peuvent pas se loger décemment dans les grandes villes (zones tendues) car les prix de l’immobilier y sont inabordables pour eux.
Dans un rapport intitulé « Favoriser l’accès au logement des agents publics » rédigé à la demande de Madame Lebranchu, alors ministre de la fonction publique, publié en juin 2016, Alain Dorison et Chantal Chambellan-Le-Levier, ont établi un constat irréfutable et proposé des solutions concrètes et efficaces pour traiter ce grand problème.
Le rapport, présenté officiellement en juin 2016, qui est consultable sur internet, a été rédigé après des rencontres avec 250 personnes de tous horizons, la consultation de plus de 60 ouvrages et près de 3000 heures de travail.
Ce rapport met en lumière des dysfonctionnements notables comme l’existence de logements indignes, notamment des infirmiers(es), ou des policiers(es) qui en sont réduits, dans les cas extrêmes, à dormir dans leurs voitures, de systèmes de réservation de logements très mal gérés et trop souvent à fonds perdus, de l’existence d’emplois non pourvus car les agents ne peuvent pas se loger décemment.
Ces situations sont totalement inacceptables.
Ce rapport propose par conséquent d’affecter des terrains publics (Etat, secteur hospitalier, collectivités locales, établissements publics) nus ou bâtis, désaffectés, voire en totale déshérence, pour construire des logements « intermédiaires » à destination de ces agents.
Ces éléments de foncier seraient apportés à des conditions très avantageuses en contrepartie de baux emphytéotiques donnant un droit de réservation gratuit pour l’entité apporteuse au bénéfice de ces agents publics. Cela permettrait aux agents concernés de se loger dans des conditions et des temps de trajet acceptables, tout en garantissant un rendement satisfaisant aux investisseurs.
A l’échéance du contrat de bail, l’entité apporteur deviendrait propriétaire des logements ainsi créés. Non seulement le coût serait inexistant pour lui, mais au contraire source de revalorisation de son patrimoine apporté.
Il est rappelé que le patrimoine public, qui est considérable (Etat, secteur hospitalier, collectivités locales, établissements publics) appartient à la Nation. Il est donc logique qu’une partie de cette propriété de la Nation soit utilisée pour loger des agents à son service.
Les financements existent. Ainsi les organismes de retraite complémentaire de la fonction publique (ERAFP, IRCANTEC et PREFON) et plusieurs mutuelles, qui disposent de moyens considérables sont non seulement en capacité d’investir des montants importants mais sont désireux de financer ces programmes de logement en faveur de leurs cotisants, tout en facilitant la diversification de leurs actifs. Des investissements ont déjà débuté mais pas selon les modalités du rapport « Dorison-Chambellan ».
D’autres investisseurs se sont déclarés intéressés par ces investissements responsables, rentables et relativement sécurisés (garantie d’emploi des agents publics).
Ces investissements responsables permettraient, outre des logements décents, une qualité encore meilleure du service public, de développer le secteur de la construction et de générer des recettes fiscales et des cotisations sociales tout en améliorant les retraites complémentaires de ces personnels.
La contrainte essentielle et primaire est, on l’a compris, l’obtention de foncier public (inoccupé ou en déshérence) à des conditions avantageuses.
Pendant près de 7 ans rien ne s’est passé malgré de très nombreux contacts, notamment dans différents cabinets ministériels et diverses administrations et en dépit d’une question parlementaire posée au Sénat par Roger Madec, alors Sénateur et d’une question à l’Assemblée Nationale par Arnaud Richard alors Député, sans oublier des courriers adressés à Monsieur E. Philippe, Madame E. Borne, M B. Lemaire, M S. Guérini…
Face au désintérêt inexplicable des pouvoirs publics, un groupe de travail très utile a été créé entre Galilée.sp et l’Académie des Sciences Comptables Financières qui a permis d’avancer en vue de la mise en route de ce rapport.
Puis un article a été rédigé le 21 juillet 2020 dans le Journal « Les Echos », intitulé « Infirmiers ou policiers doivent pouvoir se loger décemment », un article est paru l’an dernier dans « Les Études du Ciriec », un dans l’Agefi il y a 5 ans, un autre dans la revue du Centre des Professions financières, une conférence à l’Académie de Comptabilité, 2 interventions à Radio Courtoisie…
Seul élément tangible positif : il y a 2 ans le Garde des Sceaux a décidé que son ministère apportera plusieurs terrains en région parisienne. Il est regrettable que ce bon exemple n’ait été suivi par aucun autre ministère ou aucun « propriétaire public ».
Alain Dorison bénéficie depuis plus de 4 ans du soutien indéfectible de Jacques de Larosière. Ensemble ils conduisent ce combat avec une grande détermination. A la suite de leurs interventions, Jacques de Larosière et Alain Dorison ont été auditionnés l’an dernier par les Députés, Charles de Courson et Daniel Labaronne. A la suite de cette audition, Daniel Labaronne a posé une question à l’Assemblée.
Par ailleurs, le Député François Cormier- Bouligeon a écrit à la Première Ministre, Madame Borne, et la Sénatrice Laurence Rossignol au Ministre de la Fonction Publique, Stéphane Guérini.
Cependant, rien ne bougeait en dépit de ces interventions jusqu’à la désignation du Député David Amiel par Madame Borne pour effectuer une mission sur ce même thème. M Amiel a auditionné Alain Dorison à 2 reprises avant de remettre son rapport en avril 2024. Son écoute fut très attentive et chaleureuse.
Il a eu l’élégance de citer notre rapport à plusieurs reprises.
Ce rapport est porteur de grands espoirs et il faut impérativement que les pouvoirs publics agissent enfin, car au-delà de l’efficacité du secteur public et du développement de l’activité économique, il en va de la dignité humaine, car il est scandaleux de ne pas fournir des logements décents à des gens qui se dévouent sans compter dans l’intérêt de leurs concitoyens, sans omettre l’intérêt pour notre économie et nos finances (notamment relance du secteur du bâtiment).
Jacques de Larosière
Alain Dorison