L’atroce assassinat islamiste de Samuel Paty est bien évidemment révélateur de la montée de l’intégrisme dans le monde musulman et dans les « communautés » musulmanes occidentales. Mais il est également révélateur d’un très dangereux affaissement du consensus républicain national sur l’universalisme des Lumières.
Les promesses de l’universalisme des Lumières
L’universalisme des Lumières, extrait de notre culture « judéo-chrétienne » et né en Europe, repose sur deux pieds : d’une part, sur les « Lumières », c’est-à-dire sur des valeurs émancipatrices telles que le libre arbitre, l’éducation, la démarche scientifique, les droits de l’Homme, ou le progrès dans tous les domaines et pour tous ; d’autre part, sur « l’Universalisme », que l’on peut ramener au principe kantien que ce qui est jugé bon pour soi doit l’être aussi pour les autres.
Ainsi, en déclarant les « Droits de l’Homme et du Citoyen », la Révolution française s’adressait à l’ensemble de l’Humanité. Les monarchies absolues de l’époque ne s’y sont pas trompées et ont rapidement senti le danger. Elles ont déclaré la guerre à la France non seulement par solidarité avec Louis XVI mais également pour sauver leur propre trône…
La Révolution française puis la République ont incarné politiquement cette philosophie qui a fini, malgré bien des angles morts, des aléas et des tourments, par creuser son chemin sur le plan international.
Ainsi, la « Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 », rédigée par le français René Cassin, la création de l’ONU et d’autres instances de régulation mondiale, après la terrible Deuxième guerre mondiale, montraient le chemin d’une gouvernance mondiale multilatérale … Ce mouvement, contrarié un temps par le problème de l’URSS et des pays de l’Est, s’est traduit par un processus généralisé de décolonisation et un formidable développement économique d’abord des pays occidentaux puis, avec le néo-libéralisme, des pays émergents.
L’universalisme néo-libéral contre l’universalisme des Lumières
Qu’est-ce que le néo-libéralisme sinon l’universalisme étendu à la sphère économique ? Il s’agit cependant d’un universalisme assez faussé puisque les conditions de la concurrence internationale, ramenées au seul critère du coût salarial, particulièrement avantageux pour les pays du Sud, sont discutables : non prise en compte des dépenses sociales et écologiques…
Durant cette période, qui remonte aux années 70, les pays du Sud ont retourné contre les pays du Nord les règles très libérales du commerce international, entraînant dans les pays occidentaux une course effrénée à la compétitivité se traduisant par la désindustrialisation, les délocalisations, le chômage, la précarité etc. Ces difficultés, à leur tour, ont alimenté les tendances « populistes », de droite comme de gauche et un certain rejet des valeurs universalistes occidentales (Brexit, « trumpisme »…).
Le formidable rétablissement du rapport de force entre le Nord et le Sud, l’Ouest et l’Est, s’est effectué sur le terrain économique et social mais pas sur celui des valeurs démocratiques et républicaines comme on peut le voir avec la Chine et tant d’autres Etats « illibéraux » ! Ni les nouveaux Etats issus de la décolonisation ni ceux de l’ancien bloc de l’Est, à part quelques-uns, n’ont rejoint durablement et vraiment le camp de la démocratie.
Universalisme économique néo-libéral sans universalisme des autres valeurs. Mais, après tout, le libéralisme anglais du XIXème siècle ou l’américain du XXème n’étaient-ils pas impérialistes, voire esclavagistes, ségrégationnistes ou colonialistes ?…
Contestation interne de l’universalisme des Lumières par l’émergence des communautarismes
Aujourd’hui, à l’intérieur même de l’Occident, sont apparues d’abord aux USA puis en Europe de nouvelles idéologies qui mettent également en cause l’Universalisme : néo-féminisme, décolonialisme, néo-anti-esclavagisme, néo-antiracisme, LGBT …
Ces idéologies ont en commun de ne pointer que les pays occidentaux alors même que, sans nier les progrès restants à réaliser en Occident, les droits des « minorités » concernées sont surtout bafoués dans les autres parties du Monde !
Elles tendent à retourner les valeurs occidentales contre l’occident en instruisant un procès en « duplicité » et en « responsabilité ». Les droits de l’Homme ne concerneraient que les hommes et les femmes. Les anciens pays colonisateurs seraient responsables des difficultés actuelles des pays colonisés et devraient « payer » pour les errements passés d’une partie de leurs aïeux. Idem par rapport à la question de l’esclavagisme traité également à sens unique et hors de toute contextualisation historique et géographique. Tous les blancs seraient congénitalement racistes et ne pourraient pas comprendre les autres (ségrégation raciale inversée). Les LGBT se constituent en communauté et ne réclament plus seulement pour leurs membres de pouvoir exercer librement leur penchant sexuel mais aussi la visibilité sociale, le droit à « l’enfant » etc .
Contestation externe de l’universalisme des Lumières par l’universalisme islamiste
Là dessus s’ajoute un autre danger bien plus grave pour l’universalisme des Lumières , et dont la prise de conscience en Occident est tardive, celui de l’universalisme islamiste.
Appuyé, en Occident, sur les communautés musulmanes, travaillées en profondeur par les mouvements salafistes et celui des « Frères musulmans » depuis une trentaine d’années avec le soutien plus ou moins direct et avoué de gouvernements étrangers, il vise à élargir « l’Oumma » au monde entier. Comme y invite fortement le Coran.
Il s’agit d’assurer la suprématie de la Charia sur les lois humaines et de redonner ses « lettres de noblesse » au plus pur obscurantisme moyenâgeux : assurer la suprématie de la Charia sur les lois humaines ; remettre en cause l’évolutionnisme scientifique ; refuser toute critique de Dieu, remettre la femme dans une situation de soumission, de dépendance et d’infériorité ; remise en cause de l’égalité de traitement entre toutes les croyances et religions ; rendre passible des pires châtiments les apostats comme les mécréants (les non croyants, les autres croyants comme les « mauvais » musulmans sont concernés), valorisation du djihadisme dont les martyrs seront récompensés de manière curieuse ( et tellement perverse !…) au Paradis etc.etc.etc…L’Islamisme est un fascisme et un fascisme particulièrement violent et rétrograde !
Est-ce la fin de l’universalisme des Lumières ? : non
L’universalisme des Lumières semble attaqué de tout côté, mais il repose sur la raison qui finit toujours par l’emporter, nous devons cependant reconnaître qu’il nécessite une nouvelle approche et un grand effort de pédagogie :
- Mettre un terme au néo-libéralisme ce n’est pas revenir au protectionnisme étroit et borné mais simplement mieux prendre en compte les intérêts de toutes les nations y compris les occidentales et assurer une concurrence internationale plus loyale et équilibrée ; un nouveau multilatéralisme au niveau mondial doit être inventé et le projet européen sérieusement remis sur les rails pour rééquilibrer les grandes puissances économiques, diplomatiques et militaires…
- Les communautarismes identitaires, amplifiés par les médias, finiront par s’effondrer d’eux-mêmes du seul fait de leurs excès manifestes ;
- L’islamisme sera plus difficile et long à réduire à l’impuissance sur le plan national sauf si les français se montrent réellement soudés autour des valeurs de la République (liberté, égalité, fraternité, laïcité) et si la communauté musulmane, qui a le plus à craindre, intégrant ces valeurs se rebelle enfin vraiment (ce qui est bien possible) ;
- « La démocratie est le plus mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres » (Churchill)
Gardons donc l’espoir, ayons « foi » dans la République, ne restons pas passifs, le pire n’est jamais certain ! …