Ceci est un billet d’humeur. Un billet de mauvaise humeur, pour etre plus précis. Je suis ce soir fatigué et de mauvaise humeur. Et c’est à coup sûr l’effet de la fatigue pandémique, ce syndrome qui touche les personnes qui, comme moi, sont lassées par les temps présents. Après les premiers mois si « bisounours » (le covid réduit l’empreinte carbone, on entend à nouveau les oiseaux siffler sur la butte Montmartre, nous croyons à l’immunité collective et à la solidarité…), il nous faut désormais regarder la vérité en face : le monde d’après, c’était tellement mieux avant !
Et puis non, finalement, ne nous projetons pas dans l’après. Car cet « après » que nous fantasmons, le passé récent nous démontre qu’il est imprévisible… Restons donc dans « l’ici et maintenant ». Comparons donc le monde d’avant et le monde d’aujourd’hui.
- Avant, il y avait les « bullshit jobs » (on dit « jobs à la con » en français dans le texte) … Maintenant, il y a le chômage partiel.
- Avant, il y avait les théâtres, les restaus, les musées… Maintenant, il y a Netfl’Eats et Uber X.
- Avant il y avait la laïcité… Maintenant, il y a le » respect des principes républicains ».
- Avant, il y avait les visas… Maintenant, il y a les frontières sanitaires.
- Avant, il y avait les pannes de métro… Maintenant, il y a les pannes de wifi.
- Avant, il y avait les Gilets Jaunes, et dans d’autres contrées, des mouvements révolutionnaires authentiquement populaires… Maintenant, il y a le couvre-feu et le confinement.
- Avant, on disait « J’peux pas, j’ai piscine* »… Maintenant, les piscines sont fermées mais j’peux pas plus car je suis « cas contact de cas contact ».
Avant, on vivait sa vie… Maintenant, tous autant que nous sommes, nous sauvons des vies, par notre discipline et notre résilience (un autre mot à la mode). Et pour cela, nous renonçons avec abnégation à tout ce qui précède : la convivialité, la mobilité, l’oisiveté, l’amitié, la culture, le voyage, l’amour, le respect, l’irrévérence… Mais que voulez-vous, nous sommes des héros modernes !
Jusqu’à quand ?
Jean Fox
Altermakers
*expression née dans les années 1990 dans l’émission Les Guignols de l’Info de Canal+, qui évoque la fausse excuse par excellence.