Transformations d’aujourd’hui. Après la retraite, quelle vie active ?
Parler de vie active après la retraite ne relèverait-il pas de l’oxymore ? A première vue, cela semblerait bien être le cas…. Mais si l’on en croit le dicton populaire selon lequel « il ne faut pas se fier aux apparences », les propos de Patrick Bosquet, invité de ce petit déjeuner de Galilée.sp ont tôt fait de montrer que retraite, vieillesse, et même dépendance ne pouvaient pas être synonymes d’« antichambres de la mort » mais qu’elles s’inscrivaient elles aussi dans ce mouvement de transformations et d’innovations qui touchent toutes les générations.
Accompagner les futurs retraités dans leur nouvelle vie active…
Patrick Bosquet, ancien directeur d’EHPAD et désormais formateur en économie et intelligence émotionnelle, a été confronté aux drames vécus lors de l’entrée en maison de retraite ou en EHPAD par les personnes âgées et leurs proches et face à ces situations, il s’est demandé ce qu’il pouvait faire pour que ça change.
Après l’obtention d’un Master de coaching et d’accompagnement de la transformation des
organisations publiques à Paris-Dauphine,
il crée la société « Coaching Santé Autonomie » avec deux objectifs :
- innover en matière d’accompagnement et de maintien à domicile pour les personnes âgées et les aidants,
- accompagner les personnels de santé, cadres et dirigeants pour améliorer le bien-être et la santé au travail.
Les parcours de vie
Lorsqu’on arrive à l’âge de la retraite et qu’on regarde dans le « rétroviseur », on prend conscience des étapes franchies :
Enfant/adolescent/étudiant jusqu’à 45 ans : on « croque » dans la vie à pleines dents
Entre 45 et 55 ans : déjà pas mal d’expérience(s) sur le plan de notre vie professionnelle et personnelle
Entre 55 et 65 ans : c’est vraiment l’âge de la maturité, nous sommes en pleine possession de nos moyens, généralement engagés au sein de diverses associations, lorsque le « couperet » de la retraite tombe. Et là, une question surgit : quel sens a la vie lorsqu’on arrête de travailler ?
De 65 à 75 ans : Dans cette tranche d’âge il s’agit surtout de maintenir son potentiel intellectuel, relationnel, générationnel. Pour la deuxième fois dans notre vie, on a le sentiment de pouvoir croquer la vie à pleines dents…. Mais la perception du temps n’est plus la même que dans la première partie du parcours. Certaines fragilités se font sentir.
De 75 ans et au-delà : le potentiel s’émousse, la santé est plus précaire, les proches sont souvent moins présents. C’est un temps pour méditer, se tourner vers la sagesse, trouver un équilibre, transmettre.
Pour information, en 2004, l’âge moyen d’entrée en maison de retraite se situait aux alentours de 78 ans. En 2018, les personnes entrent en établissement en moyenne à… 88 ans.
L’inversion : quand nous devenons les parents de nos parents…
Un constat s’impose : très souvent, du fait de l’allongement significatif de la vie, les plus âgés d’entre nous deviennent les enfants de leurs aidants. Dans ce nouvel environnement, chacun doit trouver sa place, ses marques… et ce n’est pas le plus facile ! Le maintien à domicile est-il encore possible ? Comment préserver l’autonomie, l’indépendance alors que les aides en tous genres se font de plus en plus nombreuses (mobilité, ménage, cuisine, toilette…) et que la santé, les sens s’affaiblissent.
« Dire non à la vie, c’est entrer dans la dépendance »
Lorsque la tête, siège de la conscience ne « répond » plus, on perd l’estime de soi, on déprime, on « s’enferme ».
Le cœur « saigne » : lorsqu’on est en maison de retraite, les visites des proches sont souvent très, trop espacées. On souffre de ne plus voir ses enfants, et surtout ses petits-enfants, et on garde en soi le sentiment qu’ils se sont débarrassés de nous…
Le corps : ses mots et ses maux…c’est à la fois le visible et l’invisible de notre vie. Etre capable d’utiliser des mots pour parler de ses maux, est le signe qu’on est encore autonome, indépendant.
Au-delà de ce qui vient d’être dit à propos du triptyque tête/corps/coeur, le fait de raconter sa vie, ses vies, d’avoir cette envie de transmettre, atteste d’une réelle indépendance.
Quand une personne devient dépendante, même si elle ne perd pas la parole, on a tendance à ne plus l’écouter à ne pas prendre en compte ce qu’elle dit. Tous ces constats, Patrick Bosquet les a consignés dans un petit document remis aux participants à ce petit déjeuner. Il s’intitule « La dépendance se construit en soi et autour de soi : un couteau suisse dépendant » et il est disponible en format PDF en cliquant sur ce lien.
La maison de retraite peut parfois permettre de sortir de la dépendance ou du moins d’en atténuer les effets : on y organise des animations, des sorties. On s’emploie à stimuler les résidants.
Mais cela nécessite de recourir à des personnels en nombre suffisant, formés, disponibles.
Trop plein d’intelligence artificielle et désert d’accompagnement humain…
Face aux enjeux liés au vieillissement de la population française, la «silver economie» [1] a développé des produits et des services adaptés aux différents groupes des « seniors » :
- les seniors dits « actifs », autonomes et indépendants ;
- les seniors dits « fragiles », avec quelques limitations ou baisses de capacités ;
- les seniors dits « dépendants », qui ont besoin d’aide pour accomplir les actes de la vie courante.
Les nouvelles technologies, la domotique, l’intelligence artificielle constituent des innovations majeures et apportent des solutions à de nombreux problèmes rencontrés par ces populations.
L’intelligence artificielle ne remplacera jamais la chaleur d’une poignée de main…
Néanmoins, face à ces « outils », Patrick Bosquet pense que l’accompagnement humain reste LE dispositif privilégié, celui qui permet d’améliorer le bien-être et la santé des retraités, et plus encore, de maintenir le lien, de faciliter les échanges intergénérationnels, d’encourager les gens à aller les uns vers les autres, à partir de leurs compétences d’entraide et de relation.
Au final, ne serait-ce pas là que résiderait la véritable innovation ?
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[1] Les 60 ans et plus devraient représenter 20 millions de personnes en France d’ici 2030, contre 15 millions à l’heure actuelle. Le vieillissement de la population entraîne l’émergence de plus en plus de produits et de services à destination des personnes âgées. L’économie à destination des seniors pourrait ainsi générer un chiffre d’affaires de plus de 130 milliards d’euros dans trois ans.(cf. https://www.economie.gouv.fr/entreprises/silver-economie-definition)