Par Jacky LESUEUR, ancien responsable syndical FO-Finances et membre de Galilée.sp
Cette année, le Rapport annuel sur l’état de la France (RAEF) a tenu à mettre en lumière les liens entre inégalités et démocratie.
Il souligne qu’en dépit du recul de l’inflation, les inégalités et leur accumulation pour certaines catégories de population se traduisent par un sentiment de mise à l’écart de la société et une défiance vis-à-vis des personnels politiques. Mais pour le CESE, dans un contexte politique et budgétaire incertain, il existe des dispositifs de consultation et d’inclusion ainsi qu’une énergie citoyenne qui sont des atouts pour la France.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté fin octobre en séance plénière le Rapport annuel sur l’état de la France (RAEF), présenté par Claire Thoury (Groupe des Associations), au nom de la Commission Economie et Finances, présidée par Jacques Creyssel (groupe des entreprises) en 2024, avec 135 voix pour et une seule abstention .
En s’appuyant notamment sur un sondage exclusif réalisé par l’institut Ipsos, le RAEF, il dresse un diagnostic des préoccupations des Français et Françaises et met en lumière l’incroyable vitalité citoyenne qui les anime.
Le rapport éclaire également sur les difficultés financières qui perdurent malgré le ralentissement de l’inflation, les inégalités qui se creusent et alimentent un sentiment de mise à l’écart de la société ainsi qu’une défiance vis-à-vis des femmes et des hommes politiques.
Quelques éléments à retenir :
- 1 Français sur 4 a le sentiment de ne pas faire pleinement partie de la société ;
- 45 % des Français estiment que leur pouvoir d’achat permet seulement de répondre à leurs besoins essentiels voire ne le permet pas (soit trois points de plus que l’an dernier) ;
- 58 % des Français éprouvent des difficultés d’accès au logement ; ce chiffre s’élève à 84 % pour les DROM ;
- L’absence de perspective, le sentiment de subir davantage d’inégalités que la moyenne, et les difficultés d’accès à certains services publics peuvent alimenter un sentiment d’injustice et d’exclusion. En résulte un moindre attachement au système démocratique ;
- La moitié des Françaises et des Français dénonce un accès trop limité aux soins et à la santé sur leur lieu de vie ;
- 23 % des personnes interrogées estiment que la démocratie n’est pas le meilleur système politique existant ;
- 76 % estiment que les femmes et les hommes politiques sont déconnectés des réalités vécues par les citoyens et les citoyennes : comment alors faire confiance aux personnels politiques pour répondre de façon pertinente à leurs préoccupations ?
Face à cet état des lieux, le CESE appelle à se rapprocher des territoires et avancer dans la co-construction des réponses aux problèmes du quotidien vécus par les citoyens et les citoyennes avec l’objectif de renforcer leur pouvoir d’agir.
Pour Thierry Beaudet, président du CESE : « Ce rapport est un nouveau signal criant qu’il est urgent de revoir notre culture, nos méthodes, nos pratiques démocratiques, les citoyens attendent d’être acteurs des sujets qui les concernent ».
Pour Claire Thoury, rapporteure du RAEF : « Dans un contexte d’inégalités fortes, il faut des politiques publiques ciblées, au plus près des réalités individuelles. Il faut engager et gagner la bataille de la proximité ».
Les principales propositions du CESE
En croisant le ressenti des Français avec des analyses thématiques et des indicateurs statistiques nouveaux, le RAEF pose un diagnostic sur l’état de la France, des Français et des Françaises, et dessine des pistes d’actions.
Aujourd’hui, dans une actualité politique tendue post-dissolution de l’Assemblée nationale et un contexte de forte inquiétude budgétaire, le RAEF alerte sur trois phénomènes : des inégalités qui se creusent et alimentent un sentiment de mise à l’écart, un optimisme en trompe-l’œil face à des préoccupations financières toujours importantes, et une remise en question de l’efficacité de la démocratie.
De ces différents constats, le CESE tire trois axes d’actions : – Appréhender les inégalités au plus près des réalités individuelles – Approfondir l’association des citoyennes et des citoyens aux processus de décisions, en passant de la consultation à la co-construction ; – Renforcer le pouvoir d’agir des citoyens et citoyennes, comme un investissement pour l’avenir. |
- Une nécessité : mieux appréhender les inégalités face à un optimisme en trompe l’œil
Dans l’ensemble, l’optimisme vis-à-vis de l’avenir progresse (63% des Français sont confiants pour leur avenir). Cependant, le rapport pointe du doigt des inégalités toujours prégnantes dans le ressenti des Françaises et des Français, dans tous les compartiments de la vie et selon des formes différentes.
La perception des difficultés financières a évidemment des conséquences sur la vision de l’avenir.
Face à ces fractures, le CESE appelle à une nécessaire « bataille de la proximité », en appréhendant les inégalités aux plus près des réalités individuelles pour améliorer la construction de réponses pertinentes et ce faisant, la cohésion sociale et la démocratie. Le CESE encourage également un travail plus fin avec les corps intermédiaires, en les associant à la construction des réponses mises en place face à leurs différentes préoccupations.
- Contre le sentiment d’exclusion, associer davantage les citoyens à la décision publique
Le CESE estime nécessaire d’impliquer davantage les citoyens dans les processus décisionnels sur des sujets « dit techniques » qui ont de fait une dimension politique importante et des conséquences concrètes sur leur vie quotidienne. S’il existe aujourd’hui des dispositifs consultatifs impliquant les citoyens, le CESE appelle à dépasser ce stade et généraliser les processus de co-construction.
Alors que la situation financière du pays est également un facteur de préoccupation pour plus d’un Français sur quatre (+5 points par rapport à 2023) sur fond de débat budgétaire autour notamment de notre dette publique, le CESE appelle à dépasser la stricte question de l’endettement pour s’interroger sur ce que ces ressources doivent prioritairement financer, en privilégiant une vision de long-terme qui doit l’emporter sur la gestion des urgences.
- Le besoin de renforcer le pouvoir d’agir des Français et des Françaises pour investir dans l’avenir
Pour se sentir plus utiles, les Français privilégient l’engagement associatif aux actions politiques et syndicales. Ainsi, un peu plus d’un Français sur 3 déclare être engagé auprès d’une association (35% au global), alors que l’engagement auprès des syndicats et organisations professionnelles est plus limité (12%), de même que l’engagement pour des partis politiques (7%).
Des différentes formes d’engagement, les manifestations ou rassemblements recueillent 49% de réponses favorables.
Les citoyens interrogés expriment clairement leur désir de participer au bon fonctionnement de la société. Le renforcement de la légitimité du citoyen dans la construction des décisions, au niveau territorial comme national, alimente le cercle vertueux par lequel le citoyen se sent investi d’un pouvoir d’agir.
Au-delà de leur engagement associatif et des modalités de participation à la décision publique, l’importance du travail et du sens qu’on lui donne est également un axe important du pouvoir d’agir des Français et des Françaises, en renforçant un dialogue qui porterait, au-delà des questions salariales, sur les questions de santé au travail, de transition écologique et de responsabilité sociale.
En conclusion, le CESE considère qu’à tous les niveaux le pouvoir d’agir rendu aux citoyens et aux citoyennes peut être un puissant vecteur de renforcement de la démocratie.
Autant d’éléments de réflexions à intégrer plus que jamais dans le contexte actuel… !!!
(*) Pour plus de détails :
Découvrir le rapport complet : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_17_RAEF_2024.pdf