Par Jacky Lesueur
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J’ai eu l’occasion, il y a quelques semaines, de faire le point dans ces colonnes sur l’évolution du paysage mutualiste dans la Fonction Publique,
la « recomposition » à laquelle on assiste depuis quelques années maintenant et qui s’est accélérée au fil des ans dans l’ensemble des secteurs , interroge nécessairement , car à l’inverse du Small présenté autrefois comme le « beautiful » , pas sûr que le Big qui se développe soit aussi vertueux.
Pour mémoire, sur plus de 1 500 mutuelles contrôlées par l’autorité de contrôle en 2000, il n’en restait plus que 1 200 en 2006, 630 en 2012, 470
en 2016 et, selon certaines sources, on serait désormais en-dessous de la barre des 300 …c’est dire !!
Il faut dire que les regroupements, les partenariats ou les rapprochements sous les formes les plus diverses qui s’opèrent, y compris avec des institutions de prévoyance ou des mutuelles d’assurances, conduisent à jeux d’alliances parfois curieux qui peuvent « heurter » certains principes
et valeurs fondatrices du mouvement.
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Christian Oyarbide, (*) responsable mutualiste qui s’est souvent interrogé sur le sujet , entreprend dans Réinventer le mutualisme , livre qui vient d’être publié aux Editions Les Petits Matins, de bousculer les acteurs de l’économie sociale et solidaire, en les amenant à réfléchir à leurs valeurs fondatrices et à la manière dont ils les incarnent.
Il entend réaffirmer les spécificités de ce mouvement et ce qui le différencie du secteur lucratif.
Et si on se shootait aux utopies mutualistes ? Et si on reprenait plaisir à être utiles aux autres ? Et si on repensait le mutualisme ? Ou plutôt : si on repensait au mutualisme comme à l’une des voies possibles de transformation du monde ?
Depuis le XIXe siècle, les mutuelles constituent l’une des formes majeures de l’économie sociale et solidaire. Sociétés de personnes à but non lucratif, elles ont vocation à organiser la solidarité entre leurs membres à travers la couverture de leurs dépenses de santé, la prévoyance, et plus largement des services d’accès aux soins, au logement et à la retraite.
Mais, aujourd’hui, le mutualisme ronronne sur des mots-valeurs – démocratie, solidarité, engagement, proximité – dont il ne prend plus la peine d’interroger ni le sens historique, ni l’incarnation présente, ni les espoirs d’avenir.
Face à cela, l’auteur nous invite à des questionnements appuyés sur une expérience concrète de dirigeant mutualiste et sur un travail d’enquête à dimension philosophique, à la recherche des valeurs perdues. Il dénonce la paresse qui conduit à invoquer ces principes sans faire l’effort de les incarner dans l’action. Pourtant, cet effort permettrait de réinventer et de refonder le mutualisme, pour réaffirmer son objet social, sa raison d’être et sa singularité.
Une publication à lire et faire lire…pour nourrir les réflexions….
(*) Christian Oyarbide préside les mutuelles Mutlog et Mutlog Garanties, après avoir dirigé La France mutualiste puis l’Union mutualiste retraites.
Il a également cocréé et présidé le Cercle Vivienne, think tank des acteurs de la protection sociale.