Petit déjeuner de Galilée.sp du 19 mars 2015
L’énergie communicative de Madame Jourdan, son franc-parler, sa connaissance et sa pratique des institutions et rouages administratifs est une invitation à mobiliser nos propres énergies pour revitaliser la relation humaine et redonner du sens à l’action publique.
Un parcours de conviction.
Le 8 mars, Journée internationale des Femmes n’était pas si loin… Et Catherine Gras, Présidente de Galilée.sp avait souhaité pouvoir « célébrer » cette journée emblématique en invitant une femme au parcours…emblématique et atypique.
Née dans une famille modeste où la notion de service tenait une place importante, cette passionnée de jazz et de peinture surréaliste, aurait voulu devenir professeur de lettres classiques… Le grec n’ayant pas fait partie de son cursus scolaire, elle dut renoncer à ce projet. Elle se tourna alors vers des études de droit, ce qui lui permit de décrocher un premier emploi dans une banque et d’assurer son autonomie et son indépendance.
Pleine d’énergie et de confiance, ayant le goût des autres avec l’envie d’être heureuse et de rendre les autres heureux, ayant pour ambition de servir, d’être efficace – sans fébrilité ajoute-t-elle – elle rejoint le Ministère de l’Intérieur où elle débute comme contractuelle. Elle travaille à la Direction générale des collectivités locales (DGCL), passe le concours d’attachée d’administration.
Recourant à un terme utilisé en écologie, Chantal Jourdan indique que dès son entrée dans l’administration, elle a le sentiment d’avoir trouvé son « biotope ». Les rencontres de toutes sortes, de tous niveaux joueront un rôle déterminant dans sa carrière : elles sont autant de stimulations collectives qui donnent du sens aux missions du fonctionnaire, autant d’encouragements à travailler à ce qu’on ne sait pas faire, pour progresser grâce à la formation, puis l’accompagnement, enfin par la transmission.
Pour Chantal Jourdan, le Ministère de l’Intérieur est l’exemple du ministère opérationnel, capable de mobiliser toutes les énergies et les compétences au moment des crises, de gérer les particularismes cultuels et territoriaux, d’être aux prises avec les problématiques liées à la mondialisation, notamment en matière de flux migratoires.
En tant que Chef de cabinet civil du Ministre de la Défense chargé de l’action sociale et des ressources humaines, les militaires participant à la coopération internationale dans le cadre des opérations extérieures lui font découvrir un univers très hiérarchisé mais très riche aussi en termes de relations humaines.
Successivement Sous-Préfète puis Préfète (Lot et Aveyron), Chantal Jourdan terminera son parcours comme Directrice de cabinet de Jean-Pierre Bel, Président du Sénat. Elle est Présidente du Conseil de gestion de l’IGESA (Institution de gestion sociale de l’armée). Retraitée active, elle est actuellement Présidente de l’association « Services publics ».
Quelles perspectives pour l’administration et les services publics ?
De nombreuses interventions et questions portant sur la fonction publique, les fonctionnaires, les services publics, les relations entre secteur privé et secteur public ont suivi cette présentation à la tonalité chaleureuse et anticonformiste.
Pour Chantal Jourdan, ce qui caractérise et impacte de manière négative l’administration française actuellement c’est la « dévitalisation de la relation humaine » (sic) qui entraîne un « mal-être » à tous les niveaux de la hiérarchie, mal-être aggravé par des réformes pas ou mal expliquées, lesquelles se déroulent dans un climat de technocratisation accélérée qui contribue à la perte de repères et de sens pour les agents.
La dimension humaine…
Doit être remise au cœur de toutes les actions administratives, non seulement entre la hiérarchie et ses agents, mais aussi entre les agents et les citoyens.
La dimension humaine doit se décliner sur le mode intergénérationnel : il y va de la transmission y compris celle qui se fait sur le mode du mentorat inversé (par exemple pour des jeunes du service civique qui accompagnent des fonctionnaires dans le maniement des outils informatiques). Question de cohésion sociale, mais aussi et surtout de confiance entre les personnes.
Le management actuel, trop tourné vers la « ressource humaine », ne prend pas suffisamment en compte la « relation humaine ». Les gens ne se rencontrent pas assez, et les « réseaux », outils de communication dématérialisée, ne favorisent pas l’échange. Une bonne dose d’empirisme serait également utile…
Plusieurs interventions ont concerné la place des femmes dans la haute fonction publique pour savoir si le regard des hommes avait changé sur leurs homologues féminines, si le charme et la compétence étaient compatibles ou antinomiques, si le machisme avait disparu.
Du fait d’une présence plus forte de femmes à des postes de responsabilité, l’attitude machiste a perdu du terrain. Mais il a fallu mener le combat pied à pied pour dépasser les clichés, les préjugés, mettre en avant la dimension du charisme plutôt que celle du charme et ne plus avoir peur de montrer ce qu’on est, d’où on vient et où on veut aller, en un mot être soi-même, être AUTHENTIQUE. Et Chantal Jourdan d’ajouter avec une pointe d’humour « pour le charme, ce n’était pas vraiment ça, j’ai préféré être austère ».
Et si…
A la question « et si vous étiez ministre de la fonction publique en charge de la réforme de l’administration, par quoi commenceriez-vous ? La réponse de Madame Jourdan a été très claire : « je commencerai par imposer au moins 3 ans de diète législative afin de purger le système de tout ce qui l’encombre en termes de normes inutiles et/ou redondantes ».
L’énergie communicative de Madame Jourdan, son franc-parler, sa connaissance et sa pratique des institutions et rouages administratifs est une invitation à mobiliser nos propres énergies pour revitaliser la relation humaine et redonner du sens à l’action publique.