Chronique de septembre 2020
Si Hercule [1] vivait parmi nous, il aurait à nouveau douze Travaux à réaliser…Et l’un de ses douze Travaux serait, sans nul doute, d’imaginer les dirigeants publics dont nous avons besoin, de savoir sur quels profils les recruter et comment les former.
Imaginons maintenant Hercule rencontrant Galilée.sp. Il serait très heureux car il ne se sentirait pas seul : il serait soutenu par une équipe et une méthode.
Eh oui ! Nous inviterions Hercule à travailler dans un L.I.I., un Laboratoire Incubateur d’Idées de Galilée.sp !
Nous l’avons fait.
A l’heure [1] où le Président de la République appelait à une réforme ambitieuse de la haute fonction publique française et où le Premier ministre [2] confiait à Frédéric Thiriez la mission de faire des propositions concrètes en ce sens, Galilée.sp a réuni 15 de ses membres et amis pour travailler la question dans un L.I.I.
Sans avoir peur de ce qui ressemble à un serpent de mer à multiples têtes (il faut réformer l’ENA ! Il faut simplifier les procédures administratives ! il faut réformer l’Etat !),
Galilée.sp a reformulé le problème et a aidé Hercule à répondre à une question orientée sur les finalités : de quels dirigeants publics les citoyens et le pays ont-ils besoin ?
Voici notre contribution !
Des dirigeants pour quel service public ?
Pour un service public renouvelé, au service des citoyens pour stimuler l’intelligence collective !
Quelle est la vocation du service public ? garantir les valeurs de la République (Liberté, Egalité, Fraternité), incarner ces valeurs républicaines, organiser les politiques publiques et la société sur ces bases.
Quelles sont les missions du service public ? donner du sens à la collectivité nationale, garantir la liberté dans la sécurité, assurer la solidarité par tous les moyens (y compris en aidant les forts quand ils aident les faibles), fixer un cadre qui encourage et soutient les initiatives, faciliter l’intelligence collective, la co-création, les collaborations, les partenariats.
Quelle est la posture du service public ? l’engagement et pas le « laisser faire », la confiance en l’Homme et ses ressources (intelligence, générosité, mobilisation), la qualité de relation aux côtés des citoyens pour faciliter leur activité et leur responsabilité, l’universalité des droits.
Quelles sont les valeurs du service public ? humanité, fluidité, harmonie, au service de tous.
En résumé…des dirigeants publics pour un service public attrayant et avec un rayonnement international donnant envie de le prendre pour modèle
Quelle sera la raison d’être de ce dirigeant public de demain et quelles seront ses missions ?
Sa raison d’être : le dirigeant public garde le cap de la loi républicaine
Sa devise :
« Animer, Fédérer, Innover » : le dirigeant public fait croître l’intérêt général pour les citoyens
Ses missions :
Au service de la nation et de la population, il invente les voies et moyens d’une vie collective harmonieuse
Avec éthique, par l’écoute et en posant les bonnes questions, il anticipe et fait face aux épreuves pour répondre aux besoins des citoyens
Quelles seront les qualités et les compétences spécifiques du dirigeant public de demain ?
Ses qualités : Humanisme, Sens du collectif, Courage et Audace, Non carriérisme, Sens des responsabilités, Sens de l’éthique.
Ses compétences :
- Un Savoir-être humaniste : Dialogue, partage, écoute, ouverture au monde, respect de la personne et des droits humains, éthique républicaine.
- L’anticipation et l’adaptation : Avoir de l’expérience et avoir vécu en dehors du territoire national ; Avoir une vue sur le moyen terme et le long terme.
- L’innovation : Aptitude à susciter la créativité.
- De la persévérance : Il sait affronter les épreuves avec ses équipes pour garder le cap républicain avec le meilleur usage des moyens qui lui sont donnés.
- Une éthique personnelle: Exemples : désintéressement, rejet de la corruption, de l’abus de pouvoir, …
Quel parcours pour devenir un dirigeant public de demain : sensibilisation en amont et création d’un vivier des « Dirigeants Publics Potentiels »
Sensibiliser au service public dès le plus jeune âge
Dès l’école primaire, de l’instruction civique incluant une présentation des métiers du service public.
Au collège, un stage pour tous les jeunes (comparable au stage obligatoire pour découvrir l’entreprise en classe de troisième).
Dans l’enseignement général et professionnel post bac : ouvrir des bourses (type Erasmus) pour compléter la formation initiale du jeune dans une institution publique.
Créer le Vivier des « Dirigeants Publics Potentiels (DPP) »
- Pas de limite d’âge pour entrer dans ce vivier et pas de « chasse gardée » pour les hauts fonctionnaires et agents publics
- Profils recherchés : Expérience de 10 ans ou plus hors du service public ou dans le service public (dont vie et travail en local/ à l’étranger), compétences identifiées et avérées (diplôme ou expérience avec VAE – valorisation des acquis de l’expérience)
- Modalité de sélection pour entrer dans le vivier DPP : 1/ Concours égalitaire et/ou Auditions. 2/ Sélection sur projets ; Jury de sélection ouvert (société civile, université, administration, personnalités leaders d’opinion). 3/ Recrutement sur des critères humanistes par un collectif de citoyens, très divers (jeunes, seniors, hommes, femmes, de « bac -3 à bac +12 ») pour tester la capacité à écouter et reformuler. 4/ Auditions complétées par un bilan individuel de compétences et des tests de personnalité s’appuyant notamment sur les neurosciences.
Le parcours du Dirigeant Public de demain : sa sélection du DP, sa nomination, son mandat, l’exercice de sa mission
Sélection du dirigeant public à partir du « vivier des Dirigeants Publics Potentiels »
1/Publication préalable des postes au Journal Officiel
2/Recrutement à durée limitée : Sélection pour un poste et non pour un parcours ou pour toute la vie, nomination sur contrat de 5 à 7 ans maximum sur le même poste avec mission attribuée et mandat écrit
3/Processus de sélection (pour chaque poste) avec Épreuve écrite sur le champ visé, avec Epreuve orale et avec Auditions publiques (sélection par un panel comprenant des pairs, des citoyens, des élus locaux et nationaux) puis audition publique au parlement
Avant la prise de poste : Période d’immersion dans le service pour connaître ses collaborateurs et leur expérience (type stage ouvrier ou de cadre intermédiaire)
En cours d’exercice
1/Un coaching individuel tout au long du poste de dirigeant public
2/Un entretien annuel avec une commission d’éthique
3/Une évaluation annuelle (360° à définir) : rendre des comptes (article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) auprès de sa hiérarchie, de ses « clients », de ses collaborateurs, de ses autres partenaires
À la fin de l’exercice de sa mission, le dirigeant public rejoint le « vivier des Dirigeants Publics Réservistes »
RECONNAITRE : remise de décoration (au besoin nouvel ordre à créer), photo, établissement d’un CV républicain montrant la richesse humaine et technique à disposition de la communauté
RECYCLER : entrée possible dans le vivier des « Dirigeants Publics Réservistes » permettant par exemple des missions temporaires particulières (plutôt que dans un corps de contrôle)
RE-FORMER : pas d’entrée systématique dans un service/corps de contrôle sans formation technique adaptée et préalable à l’affectation
La formation du Dirigeant Public de demain
La formation initiale (au cours des 10 ans d’expérience demandée)
Matières incontournables
- Capacité à être en relation : formations à l’écoute, la reformulation, la systémique, la créativité
- Humanités : philosophie, histoire, beaux-arts, sciences humaines
- Droit et histoire du droit
- Economie et histoire de l’économie
- Conscience de l’époque : sciences contemporaines, écologie, enjeux de géopolitique européenne et mondiale, risques et opportunités des développements technologiques
- Gestion d’une entité et d’une équipe
Autres matières : Ce sont les matières techniques des voies professionnelles choisies (publiques ou privées)
Les dirigeants publics auront fait un travail sur eux-mêmes
Travail d’introspection pour avoir du recul sur l’époque, sur eux-mêmes, sur leurs relations et sur leurs objectifs personnels à diriger au sein du service public
En plus d’une formation initiale, la formation Tout au long de la vie (« lifelong learning ») : du « sur mesure » pas du « prêt à penser »
- Formation continue à la carte de type 2 jours par trimestre
- « Ecole de guerre » en cours de parcours : à créer
- Organiser des mobilités public/privé (ex de bonne pratique mise en œuvre par l’AATF « Association des Administrateurs Territoriaux de France »)
Et avec plus d’ambition !
Création d’ une chaire « Action publique » au Collège de France pour capitaliser sur les expériences et les politiques publiques mises en œuvre.
Création d’une « période sabbatique rémunérée » de 3 à 6 mois pour permettre l’élaboration d’un retour d’expérience sur le mandat de dirigeant public exercé. Objectif : prise de recul et capitalisation au profit de la communauté
Généralisation de la co-construction dans la pratique du dirigeant public :
- Dans l’ équipe des collaborateurs du dirigeant public ET dans des équipes à créer de Dirigeants Publics
- Co-construction des politiques publiques et de leur mise en œuvre en application du mandat reçu, et évaluation (avec des auditions) de la façon dont le projet se réalise ET de la façon dont le dirigeant public met en œuvre le projet
Relever des défis herculéens pour construire le monde de demain :
oui, c’est possible !
Alors que cette Chronique commençait comme un conte avec un héros grec, nous allons tirer quelques enseignements de méthode pour, aujourd’hui, construire le monde de demain :
- Accrocher sa charrue à une étoile pour tracer son sillon droit
- Travailler en équipe diversifiée avec imagination et engagement
- S’appuyer sur une méthode, les L.I.I., qui associe et ouvre les représentations
- Passer à la phase opérationnelle sans procrastiner !
- Agir avec sobriété, éthique et engagement
Catherine Gras
Présidente du Conseil d’orientation de Galilée.sp
Alias Lucie des Monts
[1] Discours d’Emmanuel Macron, le 25 avril 2019 en clôture du Grand débat national
[2] Trois objectifs sont fixés à la « mission Thiriez » par le Premier ministre dans la lettre de mission du 14 mai 2019 : 1/revoir les modalités de recrutement des hauts fonctionnaires en mettant en place une sélection exigeante, ouverte à la diversité des talents, 2/ revoir la formation initiale des hauts fonctionnaires pour la rendre plus opérationnelle, plus ouverte et renforcer leur formation continue, 3/dynamiser les parcours de carrière4.