(*) Oui, je sais, la poignée de main n’est pas d’actualité en ce moment, c’est une image !
Interview sur France Inter de Renaud Muselier, président de la région Provence Alpes Côte d’Azur, au sujet du confinement des Alpes Maritimes : « les deux premières fois, le préfet a rencontré tous les élus, et ça s’est plutôt bien passé ; la troisième fois, la décision est tombée comme ça, imposée d’en haut et ça a été beaucoup plus difficile » (citation approximative).
Ah, ces décisions qui viennent d’en haut ! Il est tentant d’invoquer le centralisme, le jacobinisme, maladies bien françaises. Pourtant ce n’est pas tellement cela que je vois à l’œuvre ici, mais plutôt un état d’esprit qui est bien ancré dans la tête de tant de dirigeants et de managers, aussi bien publics que privés d’ailleurs, et que je peux résumer par la formule : « Plus à l’aise avec les tableaux EXCEL qu’avec les gens ». Résultat d’années de formation (ou plutôt de formatage) qui privilégient la « tête », la pensée rationnelle au détriment du « cœur », des sentiments et des émotions.
J’en ai rencontré beaucoup, de tels dirigeants et managers, dans ma carrière.
Cette directrice d’un grand projet de refonte des systèmes d’information dans une banque, commençant par planifier toutes les tâches sur les deux premières années du projet, seule avec son logiciel de planification, avant de songer à rencontrer les parties prenantes, les utilisateurs, … « Mais je ne peux pas les rencontrer avant d’avoir quelque chose de solide à leur montrer ! »
Ce chef de marché d’une entreprise ferroviaire (que je ne veux pas citer par déontologie !) chargé du projet de « mise sur route » d’une desserte ferroviaire déficitaire (c’est-à -dire remplacer le train par un autocar), mettant un point d’honneur à boucler d’abord tout seul le projet dans ses moindres détails (les horaires et la fréquence des dessertes, le modèle d’autocar, … ) avant de le présenter aux élus, et s’étonnant de leurs réactions, toutes négatives : les maires voyant « leur » gare disparaître, les écologistes criant à la pollution, …
Je finissais par trouver touchants ce perfectionnisme solitaire et cet illusionnisme délétère ! Et quand je suggérais de commencer le projet par des rencontres avec les parties prenantes, j’avais toujours les deux mêmes réactions : « On va perdre du temps (sous-entendu en palabres) » et « Ils ne vont pas accepter ». Je me suis même demandé si, derrière ces réactions, il n’y avait pas une sorte de peur de la rencontre avec l’ « autre », souvent imaginée en termes de confrontation.
Et pourtant, ce n’est jamais une perte de temps que de clarifier, dès le début, avec les parties prenantes du projet, le contexte, les objectifs et les besoins, dans une démarche de co-construction. Au contraire, c’est du temps gagné pour la suite ; et cela devient une assurance contre la non-adhésion.
Mais comment faire alors pour développer cette attitude ?
Je vois deux leviers principaux.
Déjà l’utilisation d’une méthode pour répondre à la question « Comment vais-je m’y prendre ? ». De telles méthodes ne manquent pas : je reste fidèle à l’analyse de la valeur, que j’avais présentée dans un billet d’humeur récent (28/10/2020).
Le second levier, plus fondamental, c’est celui de la formation des « élites » : accorder plus de place aux « soft skills » : écoute, relationnel, créativité, leadership, travail en équipe … Déjà l’une des plus grandes écoles d’ingénieurs, CentraleSupélec a mis en place un tel programme, les Ateliers du Développement Professionnel et du Leadership, auquel j’ai eu le privilège de participer. Et comment ne pas citer le travail que Galilée.sp a réalisé sur la formation des dirigeants publics : « Les dirigeants publics de demain : profil et parcours », (23/09/2020) où l’accent est mis sur les aspects « humanistes » de leur profil et de leur formation ?
Alors, les « élites de la nation », allez vers les autres avant qu’il ne soit trop tard ! Et ne vous contentez pas d’écouter leurs doléances, mais construisez avec eux, en engageant non seulement votre tête mais aussi votre cœur et vos tripes !
Paul-Hubert des Mesnards
Président de l’UPR Créativité de Galilée.sp