Alors que l’Action Sociale mise en place dans les ministères économiques et financiers avait pris une place majeure au fil des ans, notamment depuis les années 1980, c’est bien la question que l’on peut légitimement se poser au regard du processus de réforme engagé ces derniers mois …
Souvent citée en exemple, voire enviée par de nombreux secteurs, les ministres des Finances qui se sont succédés depuis plus d’une trentaine d’années y ont toujours porté une attention toute particulière – certes à des degrés divers en fonction des contextes budgétaires – mais avec pour souci de préserver et de développer les initiatives et les prestations offertes aux agents de Finances dans des domaines tels que la restauration collective, le logement, la petite enfance, les loisirs/vacances,… entre autres…avec l’implication de tout un réseau d’acteurs, tant au plan national que local, contribuant à l’évidence à la création de lien social reconnu et apprécié de tous.
Alors que peu à peu on s’est orienté vers une sérieuse amputation des moyens, notamment sur les structures départementales, pour privilégier une approche régionale alourdissant le traitement des dossiers et ne favorisant plus la réactivité qui était celle d’un réseau de proximité essentiel en la matière, le processus dit de « transformation de l’action sociale » a été clairement confirmé aux organisations syndicales lors des dernières réunions de travail sur le sujet.
Au-delà des mots…Les maux !
Mais au-delà des mots… les maux menacent de plus en plus l’action sociale ministérielle et pèsent sur son devenir.
Si l’objectif affiché de la réforme (…initiée en mai 2018) était alors l’amélioration de la communication et la simplification de la gouvernance, dans le but d’accroître la visibilité des prestations et d’éventuellement élargir son panel d’offres, force est de constater près de trois ans plus tard, non seulement que rien de concret n’a encore été acté mais que ses objectifs initiaux semblent bien s’éloigner.
En effet les réunions qui se succèdent depuis quelques semaines confirment de plus en plus les inquiétudes que les représentants des personnels pouvaient avoir et c’est surtout la volonté d’économiser dans un secteur pourtant plus que jamais d’importance dans le contexte actuel, qui émerge en toile de fond !
Réforme de la gouvernance : une vraie nébuleuse !
Si chacun peut s’accorder sur le fait que la gouvernance n’était peut-être pas pleinement satisfaisante (l’enchevêtrement des instances consultatives et la multitude d’interlocuteurs sur les mêmes sujets alourdissant les prises de décisions), il ne saurait être question pour autant de laisser faire n’importe quoi sous ce prétexte ni surtout de trouver des raisons de nouvelles coupes sombres budgétaires.
Certes, suite aux arguments formulés par les fédérations et les opérateurs, le Secrétariat Général a modifié son projet initial, qui était une fusion pure et simple (juridiquement hautement discutable au regard de leurs différents statuts) des sept associations (AGRAF/restauration, ALPAF/logement, EPAF/loisirs vacances, COOP, ATSCAF/sports loisirs culture loisirs, Place des arts et CSMF/club sportif), mais on est en droit de se demander ce qu’il adviendra véritablement de l’action sociale ministérielle aux finances demain, compte tenu des premières orientations dévoilées et surtout des nombreuses interrogations subsistant effectivement sur l’organisation du nouveau dispositif et de sa gouvernance.
En fait, vers quoi se dirigerait-on?
Le principe de la création d’une structure (sorte de fédération « faîtière ») semble désormais acté, le Secrétariat Général considérant que ce dispositif sera de nature à « améliorer le pilotage de l’action sociale ministérielle via une plus grande dynamique et une meilleure visibilité« ….
Au-delà de l’habillage de communication, pour la plupart des acteurs concernés, il semble bien que la plus grande vigilance s’impose compte tenu du flou qui reste encore entretenu quant aux détails de mise en œuvre….générant légitimement de sérieux doutes sur l’efficacité de cette nouvelle usine à gaz…. dont la complexité de formalisation a été mise en évidence lors de la présentation aux fédérations syndicales récemment.
Une bien curieuse démarche dans ce processus de réforme…
En effet, avancer la création d’une nouvelle structure sans savoir ce que l’on va mettre dedans, la manière dont seront appréhendés l’organisation et le pilotage, l’approche en terme de prestations … entre autres… est pour le moins très surprenant… d’autant que, dans le même temps, on passe au fil des réunions d’une démarche de mutualisation (sans savoir sur quelles fonctions elle pourrait porter ?) à un rôle de coordination..?…ce qui n’est pas la même chose..!
Là aussi donc, c’est le flou le plus complet et les nombreuses interrogations soulevées… (sans réponse ou renvoi à des discussions ultérieures) ne peuvent que nourrir les plus vives inquiétudes, au même titre que ce qui concerne le devenir des salariés des structures concernées.
Initialement, le calendrier prévoyait un travail avec les fédérations sur les conventions d’objectifs et de moyens (COM) mais compte tenu de la future modification des statuts et le contexte sanitaire, il est proposé de les proroger pour un an et de commencer le travail de rédaction en ….2022…?
Derrière toutes ces interrogations…. Une première certitude : la liquidation du parc EPAF
Effectivement, sur ce point, les choses sont clairement affichées… L’information est tombée la semaine dernière ! Cette décision ministérielle prise sans concertation ni avec les organisations syndicales, ni avec EPAF, de céder l’ensemble des résidences et de l’activité à un repreneur du tourisme a bien évidemment conduit à une réaction immédiate et unanime des fédérations syndicales de Bercy..!
Pour mémoire, l’EPAF, association loi de 1901 sous l’égide du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance (MEFR), met en œuvre des prestations de vacances à destination de tous les agents du MEFR. Elle offre depuis 1956 des vacances aux agents actifs et retraités à des tarifs sociaux dans des résidences mises à sa disposition par le ministère .
Elle emploie à ce titre 155 salariés de droit privé et environ 30 fonctionnaires, ceci sur tout le territoire. Elle a développé toutes ces années un grand savoir-faire et de hautes compétences unanimement reconnues par les partenaires du tourisme social.
Singulière décision, alors que le gouvernement affirme « dans le même temps » mettre tous les moyens en œuvre pour éviter des licenciements et des fermetures d’entreprises « quoi qu’il en coûte » !
Pour les organisations syndicales, « c’est un sérieux coup porté à l’action sociale du Ministère, c’est un mépris marqué envers tous les agents et envers les salariés d’EPAF dont le ministère semble n’avoir que faire. » …aussi ont-elles tenu à réaffirmer leur totale opposition à la vente du parc des résidences gérées par EPAF !!
Ci-après lien vers le communiqué intersyndical du 25 mars 2021
Sur ces sujets éminemment sensibles, on comprend mal que les responsables ministériels de Bercy (certes souvent prompts à vouloir donner l’exemple en termes de rigueur budgétaire) prennent le risque de s’attaquer, dans le contexte actuel, à un détricotage en règle d’un secteur qui constituait depuis plus d’une cinquantaine d’année un lien social majeur !
Ils seraient bien inspirés de réfléchir encore sur les conséquences de telles orientations qui s’ajoutent aux profondes réformes structurelles engagées ou en perspective dans la plupart des directions ou services du Ministère et qui mettent déjà les personnels concernés sous haute tension. Comme certains on pu déjà le dire (ou constater), on ne gouverne pas indéfiniment et impunément en entretenant un tel climat !
Jacky Lesueur[1]
Membre de Galilée.sp
[1] Ancien Secrétaire général de la Fédération Force Ouvrière des Finances.