Depuis l’origine, Galilée.sp, « think tank opérationnel », s’attelle à la revalorisation, la promotion et la modernisation d’un service public solidement ancré dans la République.
La République c’est la « chose publique », cœur de métier et âme d’un service public longtemps malmené durant le cycle néo-libéral qui semble s’achever.
Nous pourrions nous réjouir bruyamment du déclin de celui-ci, d’un regain généralisé d’intérêt pour la recherche d’une souveraineté économique enfin considérée comme vitale, sous l’effet notamment de la crise de la COVID et, aujourd’hui, de la crise ukrainienne. Comment ne pas se réjouir d’entendre maintenant parler de politique industrielle, de planification (écologique…), de revalorisation de la fonction publique et de réinvestissement dans les fonctions régaliennes de l’Etat ?!
Malheureusement, l’heure est plus grave que l’on aurait pu le penser seulement quelques mois auparavant ; nous voyons émerger une situation inédite et très inquiétante.
Une nouvelle « Sainte alliance contre la République et la démocratie »
D’un côté, nous voyons s’esquisser un puissant mouvement d’alliance internationale articulée autour de la Russie et de la Chine, deux Etats non démocratiques aux ambitions impérialistes, cherchant à mobiliser nombre de pays du Sud.
Quel est l’adversaire visé ? Le monde occidental, c’est-à-dire l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et leurs alliés tels que le Japon, Taïwan…
Quel est le grief invoqué ? L’occident serait porteur d’une série de tares telles que la décadence des mœurs (LGBT…), le colonialisme, le racisme, l’esclavagisme et, « last but not least », la démocratie ainsi que l’universalisme !
D’un autre côté, depuis les campus américains, nous voyons les pays occidentaux gagnés par le « wokisme » dans les franges radicales de la Gauche. Celui-ci, au motif légitime de défendre les minorités opprimées, concentre ses attaques sur le modèle occidental accusé de tous les maux : oppression des minorités sexuelles, antiféminisme, et racisme structurel, colonialisme, esclavagisme.
Nous pouvons constater qu’en dehors de la question des minorités sexuelles (LGBT) et de celle de l’émancipation féminine, il y a un véritable « Programme commun » entre les « wokistes » et les nouveaux impérialistes (Chine/Russie). Des sujets bien réels tels que l’esclavagisme des blancs, l’esclavagisme en terre d’Islam ou l’esclavagisme entre gens de couleur sont totalement évacués par les premiers. De même, les colonialismes russes, chinois, ottomans semblent n’avoir jamais existés…
Quant au racisme anti-blancs ou entre gens de couleur (ou pas) d’ethnies différentes, personne n’en parle dans le camp wokiste. Or, il a pourtant suscité de véritables et terribles génocides comme on a pu le voir avec le drame arménien du début du 20ème siècle ou plus récemment avec le Rwanda,
On pourrait penser que la cause LGBT ou, surtout, la cause des femmes, laquelle ne concerne pas une minorité mais bien la moitié de l’humanité, soient des causes suffisamment importantes pour être défendues partout. Eh bien non ! Là encore, les combats menés ne ciblent que les pays occidentaux !…
Les causes « illibérales » (ou anti-démocratiques) et « wokistes » se rejoignent donc bel et bien. Sans tomber dans le complotisme, cette conjugaison d’ennemis extérieurs et intérieurs de la République et de la Démocratie paraît extrêmement dangereuse à terme.
Le danger de la Nouvelle Sainte Alliance : la remise en cause des valeurs du Siècle des Lumières
Le Siècle des Lumières est porteur de valeurs universelles (devise de la République, Droits de l’Homme…) manifestant une volonté d’émancipation de l’Homme par rapport à l’autorité de la religion et du pouvoir autocratique par l’émergence de Citoyens éduqués par la connaissance. C’est un message universel de liberté, d’égalité et de fraternité. Il s’adresse, sous forme de promesse et de conquêtes à advenir, aux hommes et aux femmes de tous les pays.
Certes, les démocraties occidentales héritières de ces valeurs n’en ont pas toujours fait un bon usage. De multiples exemples pourraient être cités. Ces valeurs éclairent plutôt l’avenir que le passé ou même le présent. Mais ce sont ces mêmes valeurs qui ont conduit à la suppression de l’esclavage, la fin du colonialisme occidental, la progression de la lutte contre le racisme et la marche incontestable vers l’émancipation des femmes. Sans parler de bien d’autres conquêtes sociales ou sociétales.
Regardons donc la vérité en face !
Ce ne sont ni la Chine, ni la Russie, ni les Etats musulmans qui ont aboli l’esclavage ! Et même ceux qui ont vaillamment lutté contre le colonialisme occidental n’ont-ils pas eux-mêmes puisé dans les valeurs occidentales ?
Les valeurs des Lumières sont donc un bien en dynamique extrêmement précieux, qu’il faut soigneusement protéger et défendre.
La France, à la veille des législatives, entre consternation et (faible) lueur d’espoir…
En France, jusqu’à l’invasion de l’Ukraine du 24 février 2022, nous avons vu à l’Extrême Droite des gens en admiration devant le nouveau Tsar de toutes les Russies, quémandant même parfois des subsides… Curieusement, au sein d’une certaine gauche qualifiée de radicale, une même fascination autocratique avait exercé ses effets dévastateurs.
Aujourd’hui, bien évidemment, tout le monde s’en défend, mais personne ne doit en être dupe ! Et du reste, l’intention affichée de certains leaders politiques de faire sortir la France de l’OTAN, – juste en ce moment ! -, apparaît bien comme la marque, soit d’un aveuglement, soit d’une complicité (« objective » ou pas).
Pour ajouter à ces facteurs de consternation, nous venons d’apprendre que le nouveau ministre de l’Education nationale pourrait être, au moins selon l’Extrême Droite, un « indigéniste », voire un « wokiste » !
Sans parler d’un maire écologiste d’une grande ville qui vient d’autoriser le port du burkini dans les piscines !
Voltaire ! Kant ! Jaurès ! Au secours !…
Restent, malgré tout quelques petites lueurs d’espoir.
L’influence politique accrue au sein des communautés immigrées permise par le positionnement « islamo-gauchiste » de la gauche radicale pourrait, peut-être, servir à une meilleure intégration de ces populations au sein de la République à condition de tenir bon sur les valeurs de celle-ci.
De même, la nomination du nouveau ministre de l’Education nationale ne serait peut-être pas seulement une habile opération de « triangulation » politique à visée électorale de court terme, mais pourrait annoncer, espérons-le, une synthèse réconciliatrice entre les tenants d’une laïcité dite « dure » et ceux d’une laïcité dite « ouverte »…
L’avenir le dira.
Dessin de Plantu paru dans le Monde du 15/10/19
Gilbert Deleuil
Préfet honoraire
Président du conseil d’administration
Galilée.sp