Voici revenu le temps du rituel des vœux de Nouvel An.
C’est un rituel utile. Il permet de se rappeler au bon souvenir de nos amis, de nos parents, de nos proches et ainsi d’entretenir le souvenir ainsi que le lien social. Il fait plaisir et nous rassure.
An niveau d’un Etat, c’est également un moment précieux qui permet de maintenir un lien à la fois solennel et quasi familial avec la Nation, d’esquisser un bilan, de tracer des perspectives et de tenter d’obtenir l’adhésion de l’opinion publique.
Cela étant, le nez collé sur le narratif de l’année passée et le discours sur l’année à venir, nous parvenons difficilement à discerner les grandes ruptures qui modèlent notre présent et notre avenir.
Au fil des ans, d’un Nouvel An à l’autre, le rituel prend le pas sur la quête de sens. Au-delà de son caractère d’autolégitimation, le discours annuel de nos dirigeants tend à lisser les évènements marquants de l’actualité internationale comme nationale. Il n’offre ni le recul ni le surplomb salutaires.
Quoi de commun, par exemple, entre l’Etat du monde et de la France autour des années 2003 par rapport à aujourd’hui ?
Au-début des années 2 000 le monde se trouve en plein néo-libéralisme, les frontières des pays sont grandes ouvertes laissant pleine liberté à la circulation des capitaux, des marchandises, des services et, dans une large mesure, des personnes. Notamment, l’occident a des yeux de Chimène pour la Chine. Ce grand pays se trouve réellement en plein « réveil » (cf. l’ouvrage prophétique d’Alain Peyrefitte de 1973, « Quand la Chine s’éveillera »). Les entreprises délocalisent à tout va vers ce pays à la main d’œuvre disciplinée et bon marché. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) accueille à bras ouverts en 2001 ce grand pays « communiste » (négligeant ainsi l’avertissement attribué à Lénine : « les capitalistes nous vendront la corde par laquelle nous les pendrons »). Apple comme d’autres y produisent à bas coût des produits, parfois de luxe, qu’ils vendent à des prix élevés permettant de dégager de confortables marges bénéficiaires qui alimentent les dividendes des actionnaires.
L’heure était alors, plus que jamais, à l’économie financière moteur du néo-libéralisme (Milton Friedmann en 1973 : « la responsabilité sociale des entreprises est de faire des profits », fermez le ban !). Le coût social (chômage, désertification du territoire, reconversions économiques, etc…) et fiscal (évaporation de la matière fiscale…) des délocalisations est dédaigneusement laissé à la charge de l’Etat, véritable « voiture balai » du néo-libéralisme, accusé constamment de mal gérer son budget …
Au même moment, le djihadisme islamiste, parvenait lui aussi à son paroxysme… 2001 est également l’année des terribles évènements des Twin Towers de New-York. Etrange coïncidence, mais, oh combien symbolique, que l’entrée de la Chine à l’OMC et les attentats de New-York en cette même année 2001 !
Aujourd’hui, changement radical de décor.
Après le grand coup de semonce de la crise financière internationale de 2008, qui a vu les contribuables contraints de se porter au secours du système financier et bancaire, et la grave crise économique résultant de la pandémie mondiale de la Covid19, c’est la fin de la « mondialisation heureuse », le retour d’un certain protectionnisme, un appel à la souveraineté des Etats ou de l’Europe… La Chine, qui affiche surtout depuis Xi Ji ping, sa volonté de puissance et de revanche, passe d’un coup du statut de partenaire à celui de rival voire d’adversaire stratégique !
La menace djihadiste, après la déroute d’Al Qaïda et de Daesh, semble se réduire ou, en tout cas, se dérouler à bas bruit dans des ères circonscrites, sous réserve d’attentats sporadiques, mais dramatiques comme ceux de 2015 en France, et d’origine de plus en plus endogène.
Cependant, si le djihad armé est sinon éradiqué (cf. au Sahel…) du moins contenu, une autre forme de djihad, sans épée, plus sournois, continue sous des formes apparemment plus pacifiques par la diffusion du fondamentalisme religieux. Celui-ci résulte d’une pensée et d’une organisation très élaborée. Wahhabistes et Frères musulmans ont bénéficié du soutien financier d’Etats du Golfe ayant bâti leur fortune sur le gaz et le pétrole vendu aux pays développés … qui se sont montrés d’une grande complaisance (cf. Coupe du Monde de football au Qatar…). Il a touché progressivement la plupart des pays musulmans, nous éloignant de l’époque des grands dirigeants laïques tels que Mustapha Kémal, Nasser ou Bourguiba…
La plupart, pas tous et à des degrés différents, des pays musulmans affichent aujourd’hui un rejet des valeurs dites occidentales. Ils rejoignent ainsi, dans une « alliance objective », le discours actuel de pays tels que la Russie et la Chine…Concrètement, la France subie actuellement une cinglante humiliation de la part des russes qui réussissent à détacher de notre pays plusieurs Etats africains anciennement amis… Le djihad sans épée (recommandé à plusieurs reprises dans le Coran), touche aussi de manière de plus en plus visible les pays européens au travers des communautés musulmanes issues de l’immigration. En Belgique, en Suède, en France, notamment, se sont constitués des séparatismes religieux, culturels, sociaux et spatiaux, soulevant d’indéniables problèmes de cohabitation.
La conjonction des dégâts économiques, sociaux et territoriaux de la mondialisation débridée des années 1980 / 2008, d’une immigration peu régulée de populations mal intégrées issues de nos anciennes colonies et de plus en plus re-islamisées, a introduit dans nos sociétés de puissants ferments de dissolution des liens sociaux et civiques. Elle a ainsi favorisé l’essor de l’extrême droite et de la xénophobie ainsi que, effet miroir, l’émergence d’une gauche radicale ouverte au wokisme …
Notre pays traverse une importante crise morale et de moral.
Celle-ci s’est exprimée nettement lors du mouvement des « Gilets jaunes » et des derniers scrutins nationaux. Le paysage politique français a été entièrement bouleversé. Cependant, notre pays n’a pas basculé, en tout cas pas encore, dans un certain extrémisme comme cela a été le cas en Suède ou en Italie, après la Pologne, la Hongrie ou l’Amérique de Trump…
Mais, alors, quelles sont les notes d’espoir ?!…
A l’occasion des prochains vœux de Nouvel An, peut-être devra-t-on saluer la victoire d’une Ukraine démocratique et européenne ainsi que la déroute de la dictature et de l’impérialisme russes ; l’Iran aura peut-être secoué le joug des autocrates et obscurantistes islamistes donnant ainsi espoir à bien d’autres peuples ; la Chine pourrait avoir renoué dans la dignité avec son antique sagesse ; l’Amérique avoir retrouvé au-delà de son leadership économique et militaire, un leadership moral enfin indiscutable ; l’Europe, transcendée par la nécessité d’avoir dû faire face à la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie, pourrait avoir évolué vers une plus grande union et souveraineté ; en France, plus particulièrement, les services publics les plus essentiels (éducation nationale, sécurité intérieure et extérieure, justice, hôpitaux…) seraient remis au niveau attendu par les citoyens au sein et en soutien d’une économie nationale plus souveraine et écologique…
Chemin faisant, je m’aperçois que ces « notes d’espoir » sont en réalité mes propres vœux pour 2023 et au-delà !!! …
BONNE ANNEE 2023
Gilbert Deleuil
Préfet honoraire
Président du conseil d’administration
Galilée.sp