Par Paul-Hubert des Mesnards
Tel est le titre du dernier essai de François HÉRAN, sociologue, titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France.
Il est connu de Galilée.sp car il avait participé à un Laboratoire Incubateur d’Idées au BercyLab, animé par Galilée.sp pour le compte de la Délégation Interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR)000. Il ne s’attendait certainement pas à recevoir un paquet de Legos et de devoir, au sein d’un petit groupe, illustrer concrètement des idées issues de la créativité ! « Galilée.sp a fait jouer aux Legos un professeur au Collège de France ! ». Il s’en est plutôt bien porté, mais, « expert un jour, expert toujours », il a précisé : « ce sont des Duplos, pas des Legos » !
François HÉRAN avait été invité il y a quelques mois sur France Inter où il avait présenté quelques idées phares de son ouvrage qui met en regard discours politiques et faits et chiffres. Car, contrairement à une idée reçue, les chercheurs ne restent pas dans leur tour d’ivoire et vont sur le terrain, alors que les politiques … !
Voici un florilège d’idées reçues et de préjugés.
- Le tsunami de l’immigration : « on est submergés », et c’est la faute des gouvernements précédents
En fait l’immigration est en progression constante depuis des décennies et tous les gouvernements y ont contribué, quelle que soit leur couleur politique.
- Il faut arrêter l’immigration
L’immigration est une réalité contre laquelle on ne peut rien. Même Gérald Darmanin en a convenu : « il ne sert à rien d’être contre le mouvement des Hommes sur la terre ». Mais les États se doivent de réguler l’immigration.
- Il y a trop d’immigrés en France
Ils représentent 11 à 12 % de la population, deux fois plus que dans les années 50, et il y avait déjà à l’époque des gens qui disaient qu’on était saturés. En revanche il est vrai que l’extrême concentration géographique pose un problème.
- Tout le monde veut venir en France
En fait la France est moins concernée que les autres pays. Nous sommes moins attractifs qu’on ne le dit, en particulier en ce qui concerne
les étudiants étrangers, et nous sommes loin d’avoir pris notre part.
- Il va y avoir un tsunami de réfugiés climatiques
En fait les déplacements se font essentiellement dans le pays.
- La prophétie du « grand remplacement »
Elle a trois aspects : un surcroît de natalité, un changement de civilisation, une dose de complotisme (« des élites mondiales organisent le grand remplacement à leur profit »). Or tout ceci est erroné.
Autres points évoqués :
Un tiers de la population française a un lien avec l’immigration sur 1, 2 et 3 générations, mais seulement 5% ont quatre grands-parents immigrés. Il est difficile de nier la francité des gens qui ont un patronyme qui sonne « étranger » : tels Nicolas Sarkozy et même Jordan Bardella ! Le brassage des unions est une réalité, et la « francité » évolue.
L’accueil : il y a des dysfonctionnements reconnus dans les processus officiels, même Gérald Darmanin en a convenu, et cela fait le jeu des passeurs. Mais le fait que c’est le Ministère de l’Intérieur qui est en charge de la question entretient un lien qui est fait entre immigration et sécurité (ou plutôt insécurité).
Plus on réduit les voies légales de passage, plus on risque de favoriser et d’enrichir les passeurs.
Les OQTF (Obligation de quitter le territoire français) : elles posent des problèmes de réalisation, mais ce n’est pas nouveau.
Les métiers en tension : ils sont très difficiles à définir, et les critères en sont volatils.
Un examen de français obligatoire ? Attention, cela risque de favoriser les ressortissants des anciennes colonies.
L’intégration est un processus long, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.
Alors, comment accueillir et intégrer ? François HÉRAN est favorable à une Convention Citoyenne dans laquelle on s’écoute, on s’informe, on pèse le pour et le contre pour ne pas partir sur des a priori.
NB : on reconnaît ici des éléments de la « méthode Galilée.sp des Laboratoires Incubateurs d’Idées »
Et ceci n’était qu’un extrait au cours d’une émission de vingt-cinq minutes ! C’est dire que la lecture de l’ouvrage est vivement recommandée !
Il est facile à lire, tout en étant riche en données chiffrées, il est attrayant (il contient de nombreuses citations de femmes et d’hommes politiques intéressantes) et enfin, il est éclairant : il contribue à faire des lecteurs des citoyens responsables, particulièrement à l’heure où l’on attend une grande loi sur l’immigration.
François Héran : Immigration, le grand déni, Éditions du Seuil / La République des Idées, mars 2023